Avant-première hier à l’UGC Cité Bordeaux, dernier film de François Ozon « Le temps qui reste » en présence de Melvil Poupaud, le réalisateur ayant déclaré forfait pour se consacrer à une émission TV. Ce film présenté en mai dernier à Cannes, dans la section « Un certain regard » confirme la maîtrise et la grande maturité de son auteur. Après « Sous le sable », il traite le thème de la mort. Le film démarre comme « 5×2 » sur un constat, l’échange très juste entre un médecin et son patient, Romain, 31 ans qui plaisante après avoir attendu ses résultats d’examen. Comme souvent les mauvaises nouvelles dans une vie, le docteur annonce assez froidement un cancer qui se généralise au jeune homme. Suit un échange très juste, entre les interrogations qui se posent légitimement cette inéluctabilité tragique de cette maladie. La force du film est le cheminement de Romain, sans pathos, qui vit comme photographe de mode, dans un monde que l’on devine assez cinglant et superficiel. Malgré sa jeunesse, sa fin proche lui paraît implacable, il doit décider de son attitude devant la maladie, d’une manière d’économiser ou brûler les dernières cartouches de sa vie, et son attitude avec ses poches, son petit ami Sasha, ses parents et sa sœur, mère seule avec des enfants, avec lequel il est souvent en conflit, son employeuse.

Melvil Poupaud & Jeanne Moreau

Il ne cherchera de réconfort qu’auprès de sa grand-mère, Laura – rayonnante Jeanne Moreau -, riant de ses vitamines pour lutter contre la vieillesse. Elle est comme son double, modèle d’égoïsme, manière de vie qu’elle définit comme moyen de survie. Car Romain a des difficultés à s’investir émotionnellement, ou a se départir de son agressivité constante vis à vis des siens, il a une manière cinglante d’annoncer les vérités premières qui feront mal, avec gratuité, il va donc s’arranger seul avec sa fin probable. Le sujet ne doit pas vous décourager de voir ce film, car c’est un modèle de concision, d’épure, évitant tous clichés du personnage peu aimable qui finit par s’humaniser et connaître un rachat. Melvil Poupaud est exceptionnel de subtilité dans ce rôle, dans les non-dits, son curieux sourire désabusé après une acceptation de son devenir, la petite déception de ne pas retrouver le plaisir d’une glace qu’il mangeait quand il était enfant. Il se revoit enfant, avec une nostalgie de son innocence perdue et où tous les espoirs sont permis. François Ozon, reprend ses thèmes favoris, la communication avec le père, l’homosexualité, avec quelques provocations – une visite dans « les backrooms », mais avec des ellipses, après un premier montage plus hard.

Melvil Poupaud

Les tentatives de Romain pour retrouver une forme de communication, sont touchantes, à l’image de la scène de la voiture avec son père – Daniel Duval, loin de son image habituelle, touchant en père secret et fatigué -, ou l’appel avec sa sœur qui ne comprend pas ses provocations. Les comédiens sont excellents comme souvent chez le réalisateur de Marie Rivière Marie Rivière – interprète rohmérienne comme Melvil Poupaud – en mère un peu paumée, les nouveaux venus Christian Sengewald, en amant de Romain, Louise-Anne Hippeau dans le rôle de la sœur mal-aimée. Valeria Bruni-Tedeschi en serveuse, qui croise la route de Romain qui se révèle une assez improbable rencontre – très juste réplique de Romain lui répondant que l’on ne va pas forcément voir sa grand-mère que parce qu’elle devrait être malade. Cette dernière est jouée par l’admirable Jeanne Moreau, compréhensive et indépendante, les moments d’intimité entre les deux personnages sont très beau, la grande comédienne trouve enfin un rôle à sa mesure. Concernant la rencontre après film avec Melvil Poupaud, les spectateurs n’ont pas eu à déplorer la présence du metteur en scène, car le comédien a parlé de son personnage avec beaucoup de franchise et d’honnêteté. Il a parlé du travail avec le réalisateur, après une rencontre manquée pour les essais de « Gouttes d’eau sur pierres brûlantes » où l’acteur avait déploré être déconcerté par certaines exigences. Il a appréhendait son rôle avec intelligence, grâce à sa déjà longue expérience – François Ozon l’a choisi après avoir vu les court-métrages, sortes d’auto fictions, tournés depuis son enfance avec le matériel des films de Raoul Ruiz -, et les exigences du rôle – transformation physique avec le coach de Ludivine Sagnier dans « Swimming Pool », scènes sexuelles assez explicite avec le jeune acteur allemand inexpérimenté, ce qui est délicat pour un hétérosexuel landa, mais le comédien a insisté sur la pudeur du réalisateur -. C’est une confirmation du talent de ce comédien, après des personnages assez ingrats comme dans « Éros thérapie » et « Les sentiments », Sa lucidité du comédien et son investissement personnel, devrait lui donner une belle place désormais comme comédien. Ce film retenu et apaisé est une nouvelle réussite dans l’œuvre de François Ozon.