Le premier long plan séquence qui se focalise sur le visage en pleurs de Natalie Portman, donne le ton. Une chanson lancinante sur la chaîne inéducable de la violence l’accompagne, seule dans une voiture, on guette tout signe extérieur, le moindre son, pour avoir des éléments de compréhension, on prend conscience du temps et de la multiplicité de culture que l’on croit devenir à l’extérieur. On suit frontalement la peine de Rebecca, une jeune Américaine, ce début déroutant aide à nous concentrer sur les personnages plutôt que sur des situations qui ne sembleraient finalement nous échapper. Née en Israël, la star hollywoodienne, se sert de son aura pour aider au cinéma d’auteur, tout en réfléchissant sur son identité. Son personnage, ayant connu une déception amoureuse et une dispute avec sa belle-mère et qui cherche à sortir d’Israël. Elle rencontre Hanna – admirable Hanna Laslo, sorte d’équivalent à Muriel Robin en Israël et qui a mérité son prix d’interprétation -, qui conduit un taxi, et la convainc de l’amener dans un no man’s land en Jordanie, la « Free zone », sorte de « No man’s land » sans douanes ni taxes, créé pour permettre des échanges commerciaux entre les divers États. Amos Gitaï, n’a pas choisi la facilité, confronte les différentes langues et cultures dans ce road movie, quitte à déstabiliser ses spectateurs, la narration étant moins traditionnelle que dans « Kadosh » par exemple.
Natalie Portman & Hiam Abbas
Durant le voyage plusieurs époques se superposent, souvenirs ou fantasmes des deux principales protagonistes, on voit des surimpressions d’images, à noter l’utilisation de la comédienne Carmen Maura, que l’on identifie avec difficulté dans ce processus, tant son rôle est presque nié, et dont seuls quelques éléments subsistent dans cette narration éclatée. Je ne sais comment Amos Gitaï a présenté ce personnage à la grande comédienne espagnole, elle est utilisée comme un élément éclaté, seul un Jean-Luc Godard se permettait autrefois cette attitude, d’où une difficulté personnelle pour moi à « entrer » dans cet univers. C’est avec l’apparition lumineuse d’Hiam Abbas, que j’ai adhéré à la forme du film. Son personnage en commerce avec Hanna, montre qu’il y a une possibilité de dialogue entre Israëliens et Palestiniens, même si elle se base au préalable à un dialogue mercantile, il y a ensuite même dans l’affrontement, une ébauche de dialogue certes, mais dialogue tout de même… On peut saluer le réalisateur d’avoir voulu innover sur la forme, retrouver les impressions chaotiques d’un parcours sur une route, les éléments imprévus comme un passage auprès d’un poste frontière, la rencontre avec des personnages d’une autre mentalité on frontière – Un douanier inquisiteur ou « l’Américain », vu comme tel pour avoir un peu vécu aux États Unis -, la mémoire qui vous rattrape, l’appréhension de l’inconnu et surtout retrouver une vision de l’histoire à travers trois parcours de femmes. La réserve de Natalie Portman, l’abattage formidable de Hanna Laslo, et la belle présence de Hiam Abbas, dont on n’a pas oublié la sensualité dans « Satin Rouge ». Pour l’anecdote Hiam Abbas était venue présenter « La fiancée syrienne » avec beaucoup de chaleur à l’UGC Cité-Ciné à Bordeaux en début d’année sur un sujet similaire. L’interprétation constitue la grande chance de ce film qui peut désarçonner mais qui mérite qu’on l’on fasse un effort. La réflexion est ici un peu amère sur une situation délicate, entre documentaire et onirisme ce qui évite tout didactisme. On aurait préféré cependant un peu plus de simplicité sur la forme.
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