Jean-Yves Thual

La chaîne du câble « Ciné-Classics » ne brille pas beaucoup par son originalité ces derniers temps, mais trop rarement on peut trouver des traces d’inventivités, comme le  6 décembre 2003, avec le documentaire-fiction de Christophe Bier, « Exotisme, coups de poings et porte jarretelles ». Cet hommage rendu au producteur allemand de série B Wolf C. Hartwig et sa femme Véronique Vendell. était une belle initiative sur un pan méconnu du cinéma allemand. Christophe Bier profitant de sa documentation personnelle pour dresser ce portrait d’une cinématographie injustement oubliée. Il faut dire que c’est d’autant plus remarquable, que ce face à face entre la belle Mélodie Marcq – vue depuis dans « Les chemins de traverse » de Manuel Poirier en 2004 -, et le cinéphile interprété avec brio et humour (le personnage a des dossiers dans le four, faute de place), est une solution de dernière minute trouvée suite à l’hospitalisation de Wolf C. Hartwig. Une belle occasion de découvrir un univers de sensualité et de trouvailles de mises en scène, Des films suivaient la diffusion de ce doc, « Coup de gong à Hong Kong » avec Daniel Emilfork, « Poupées d’amour », « Freddy et le nouveau monde » et l’ahurissant « La femme nue et Satan », réalisé par Victor Vicas – futur réalisateur des « Brigades du tigre » avec en prime un Michel Simon atrocement doublé en français par un imitateur, alors qu’il était indisposé par un empoisonnement dû à la colle d’un postiche!.-. C’était un brillant cocktail humour + érudition.

Christophe Bier remet le couvert avec la diffusion ce vendredi 4 à 23h30, toujours sur « Ciné-Classic » de « Ce nain que je ne saurais voir » 60 mn. Voici le texte de présentation trouvé sur « Voilà TV » : S’appuyant sur des photos, affiches, extraits et bandes-annonces originales, Christophe Bier réalise un document où l’érudition le dispute à l’humour. Pour accomplir cette lecture inédite, il a fait appel à Jean-Yves Thual, immense acteur de petite taille, aussi à l’aise dans «Astérix contre César «de Claude Zidi, que dans «Le Voleur d’arc-en-ciel» de Jodorowsky. Ici on parle d’acteurs et de grand cinéma. On croise Michael Dunn, l’inoubliable docteur Loveless des «Mystères de l’Ouest», Weng Weng, le pendant miniature de James Bond, la star française, Pieral, immortalisé dans «L’Eternel Retour», Hervé Villechaize, indispensable habitant de «L’Ile fantastique». Cascadeurs, doublures, acteurs, les nains ont écumé tous les genres : drames, comédies, péplums, films autour du cirque, polars, westerns, SF, fantastique, horreur, porno…Personnages hors du commun, vedettes ou accessoires, souvent avec une vraie gueule de cinéma (lequel, cruel, ne leur a souvent offert que le choix du conte de fée ou celui de l’étrange cauchemardesque), partout où ils passent, quels que soient leurs rôles, les nains crèvent l’écran… S’appuyant sur des photos, affiches, extraits et bandes-annonces originales, Christophe Bier réalise un document où l’érudition le dispute à l’humour…

Photo de plateau: Laëtitia Mélierres avec son aimable autorisation

Chercheur infatigable, comédien, chroniqueur à « Mauvais genre » sur « France culture », réalisateur, il a travaillé 7 ans avec Jean-Pierre Mocky – une sorte de record -, Christophe Bier a publié plusieurs ouvrages dont le jubilatoire « Cinéma culte européen : Eurociné » notamment, on attend son grand oeuvre un monumental dictionnaire du cinéma pornographique français. Ce documentaire est le prolongement de son livre « Les nains au cinéma » 1998, édité par lui même, et qui était une mine d’informations. En compagnie du comédien Jean-Yves Thual, – inoubliable « Nain rouge » chez Yves Le Moine -, il nous dresse un panorama de l’utilisation des nains au cinéma, en parlant de deux films emblématiques « Freaks » de Tod Browning, chef d’oeuvre absolu, et le contreversé ‘Les nains aussi ont commencé petits » de Werner Herzog.

Photo de plateau: Laëtitia Mélierres avec son aimable autorisation

Jean-Yves Thual qui a un blog : Jeanyvesthual.canalblog.com, fait preuve de beaucoup d’autodérision confit cependant sa difficulté de trouver des rôles face à des metteurs en scène frileux, l’un lui confiant même qu’il ne pourrait pas lui confier un seul rôle de garçon de café, car on ne verrait que lui. Christophe Bier parle avec des tendresses des nains célèbres comme Piéral, Angelo Rossitto, Michael Dunne, John George, des carrières chaotiques pour des comédiens qui n’ont eu de beaux rôles qu’avec quelques poètes, comme Tod Browning ou Jean Cocteau. Un documentaire à voir absolument, on aimerait que « Ciné-Cinéma », dont la programmation mollasse nous désole en ce moment, continue sur cette voie.

ARTICLE : LIBÉRATION

Télévision : Documentaire. Une enquête minutieuse de Christophe Bier sur les utilisations cinématographiques du thème du nain.
Des rôles sur mesures par Sophie Rostain, vendredi 04 novembre 2005

Christophe Bier est également l’auteur d’un livre autopublié, les Nains au cinéma, une somme aujourd’hui épuisée. Avis aux éditeurs !

CinéCinéma Classic, 23 h 30. «Ce nain que je ne saurais voir», un documentaire de Christophe Bier.

« Un documentaire sensationnel de cinquante-deux minutes unique en son genre ! La grande histoire des nains au cinéma. Cinquante-deux minutes de nains non stop ! Un sujet passionnant, unique, dérangeant, bouleversant et inédit encore jamais abordé par les historiens du cinéma ! Approchez, n’ayez pas peur !» Pour une fois, ami spectateur, crois la publicité et plonge sans barguigner dans le documentaire de Christophe Bier qui joue son propre rôle, accompagné de monsieur Zwerg (monsieur Nain, en allemand), comédien de 1,28 m (Jean-Yves Thual). Tout y est dit ici sur la manière dont le 35 mm a utilisé les hommes et les femmes de 90 centimètres, jamais plus de 120 centimètres. Comme dans les foires, il a voulu mettre en scène l’anormalité, reprenant les clichés les plus moyenâgeux. Des origines à nos jours, pas un film de série B sans son nain, lutin priapique, ange du mal ou monstre face à qui le spectateur, conforté dans sa position de voyeur, rassure sa supposée normalité. Pauvreté créative, efficacité symbolique.

Film interdit. Heureusement, il y eut Tod Browning qui, en 1932, impose à la MGM de réaliser un film entièrement joué par des nains et des «monstres». Soeurs siamoises, hermaphrodite, homme-larve, lilliputiens et nains se pointent au casting. Ce sera le génial Freaks où éclate Harry Earles. Le film est un échec total. Les ligues féministes se déchaînent, accusent Browning et la MGM de gagner de l’argent en exploitant la déchéance humaine. Campagne efficace : le film est interdit pendant trente ans au Royaume-Uni. Quelques années plus tard, Samy Newfield, réalisateur de série B, pose une nouvelle pierre dans l’histoire en réalisant The Terror of Tiny Town, premier et unique western entièrement joué par des personnes de petite taille. CinéCinéma a mis la main sur une copie qu’elle diffusera le 11 novembre (22 h 20).

«Mal absolu». La roue du cinéma continue de tourner. Et voici le génial Piéral, mort le 22 août 2003. Céline recommandait de le faire jouer Néron ou le Bourgeois gentilhomme ou un amant de Feydeau, Macbeth, Othello, mais c’est Jean Cocteau qui lui offrit de jouer Achille, le monstrueux fils d’Yvonne de Bray dans l’Eternel Retour. «Il fallait bien qu’intervînt le mal absolu sous les traits d’un nain.» Tout est dit et jamais le cinéma ne dépassera cette représentation commode, jusqu’à Werner Herzog, dans Les nains aussi ont commencé petits, histoire d’une révolte dans un centre d’entraînement pour nains (diffusé le 25 novembre à 22 h 30). Le nain en noir et blanc, en couleurs, serait une erreur