Malheur à vous, si comme moi vous avez vu le très bon téléfilm « La nourrice » de Renaud Bertrand, diffusé en 2004 avec la délicieuse Sophie Quinton, Marthe Keller et Liliane Rovère, car c’est strictement le même sujet que dans cette « ravisseuse ». Le sujet d’un corps de jeune mère prêté à une famille de nouveau riche est suffisamment fort pour générer une autre oeuvre, mais le téléfilm de Renaud Bertrand était une pure réussite, ça donne ici une impression un peu redondante. A l’image des idées très arrêtées d’un médecin hygiéniste boursouffé de certitudes – formidable Frédéric Pierrot assenant ce qu’il croit être des vérités définitives – il rode dans cette fin XIXe siècle une peur d’une forte mortalité infantile. Angèle-Marie – Isild Le Besco, une personnalité unique et lumineuse -, se voit ainsi exploitée. Elle a dû abandonner son bébé à la campagne, donnant son lait maternel à la fille d’un couple de bourgeois, lui architecte affairiste raide – Grégoire Colin inquiétant -, elle une oisive dépourvue d’instinct maternel et perdue dans un ennui puéril – Emilie Dequenne excellente en contre-emploi -. Le cinéaste filme sans fausse pudeur ce lait source de fantasme, fait confronter deux superbes comédiennes, donne un effort louable sur la bande-son et Yorgos Arvanitis signe une photo superbe.

Isild Le Besco

On se réjouit du retour d’Anémone, qui en domestique aigrie excelle et rajoute des traits d’humours, et de retrouver Bernard Blancan, en homme à tout faire compatissant, et il y a de bons comédiens de théâtre à l’image d’Édith Perret qui compose une tante déplaisante à souhait. Reste que finalement le film laisse une impression d’inachevé, peut-être par ces plans oniriques assez lourdingues. Dommage pour Antoine Santana, après son attachant « Un moment de bonheur », avec déjà Isild Le Besco. Saluons l’exigence de cette comédienne singulière, qui en plus après avoir prouvé ses talents de réalisatrices, continue à rayonner dans des projets peu conventionnel. Rien que pour elle, ici en jeune femme frustre et sensuelle nourrie par des contes populaires, le film est à conseiller.