Amis Parisiens vous êtes des veinards : L’Etrange festival, au Forum des Images, Châtelet-les-Halles, 75001, se déroule jusqu’au 13 septembre. Ayez une pensée émue pour vos amis provinciaux sinistrés. Pour ma part ce blog fait une pause momentannée, ce qui présente l’avantage de vous éviter nombre de lieux communs et platitudes multiples mais ce n’est que partie remise…

Programme complet sur : L’étrange festival et Seconds couteaux.

ARTICLE : LIBÉRATION

Pépites de l’Etrange
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La quatorzième édition du festival décalé présente à Paris raretés décervelées et curiosités exquises par Philippe AZOURY et Alexis BERNIER
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mercredi 31 août 2005 (Liberation – 06:00)

Amis de l’oblique et du trash en goguette… ton festival chéri est de retour. Avec treize éditions aux compteurs et par ces temps de retour du rock et du film d’horreur, plus personne ne conteste l’intérêt d’un festival tournant le dos au bon goût. Depuis 1992, l’Etrange festival, créé dans la confidentialité par Gilles Boulanger, Frédéric Temps et Yves Montmayeur (parti depuis), peut s’enorgueillir d’avoir réhabilité l’enfer de la cinéphilie : des Japonais ecchymosés (Wakamatsu, Ishii, Miike, Masumura…), des Italiens au ketchup (Bava, Brass, Lenzi…), des Espagnols enchnoufés (Eloy de la Iglesia), des Mexicains satanistes (José Mojica Marins) ou des Amerloques paranoïaques (Norman Mailer, Kenneth Anger, Larry Cohen…) ­ le tout entrecoupé de performances goûteuses telles que l’homme qui faisait «l’anus solaire» ou la femme qui moulait sa vulve dans du chocolat (avant dégustation collective).

Maintenant, de semblables débordements ne se trouvent pas sous le sabot d’un cheval. On n’exhume pas tous les ans un visionnaire dérangeant sinon dérangé. C’est sans doute pour cela qu’est né l’an dernier l’Etrange musique, un surjet sonique pour retrouver la flamme des débuts (cette année, Durutti Column ou Red Crayola ­ on y revient ).

Sur le papier, cette nouvelle édition ne s’annonce pas forcément la meilleure. Il n’est pas certain par exemple que l’Allemand Christoph Schlingensief soit autre chose qu’un gros malin. Freakstars 3000, sa parodie des programmes décervelants de la maison Endemol, mêlant handicapés mentaux et téléréalité, ne fait qu’enfoncer des portes ouvertes. Et ses «hommages» à Fassbinder, Pasolini ou Tobe Hooper (Massacre à la tronçonneuse allemande) ne dépassent pas le pastiche outrancier fatigant à regarder. Signalons néanmoins la diffusion de son Hitler, la dernière heure (1989), qui devrait servir d’antidote à la (malheureuse) Chute.

Quant à la thématique «Autodéfense USA», allant du très malsain Droit de tuer au très new wave Class 1984, en passant par le multi-diffusé Justicier de New York, elle ne sent pas très bon. Surtout accompagnée d’une seconde thématique, consacrée à l’esclavage, sans doute pour souligner l’avant-première du Manderlay de Lars Von Trier.

Néanmoins, c’est la règle à l’Etrange festival : il ne faut pas avoir peur de se salir les mains pour extirper quelques pépites. Suivez le (s) guide (s) :

Labyrinthes imaginaires, de Shuji Terayama : anthologie en quatre volumes de quinze années d’activisme erotico-anar (l’Empereur Tomato Ketchup…), célébré en son temps par les Cahiers du cinéma, avant dégringolade dans la pantomime façon Avignon off.

Mondo Hollywood : extension psychédélique des documentaires «tabloïd» qui pullulaient dans les années 60 (Mondo Cane…) dans sa version intégrale. Le buvard comme si vous en preniez.

Hommage à Udo Kier : en présence de l’acteur au yeux d’acier, fils caché de Klaus Kinski et Helmut Berger.

«Carte blanche à Jean-Pierre Turmel» : grâce soit rendue au créateur du fanzine-label visionnaire Sordide sentimental pour son impeccable sélection, allant de Roberte (adaptation fétichiste de Pierre Klossowski) à X-Tro (remix electro de Rencontre du troisième type par un Anglais disparu depuis), sans oublier l’incunable Impressions de la Haute-Mongolie, de Salvador Dalí.

Karel Zeman : la République tchèque est honorée d’une quasi-intégrale du «Méliès de Gottwaldow» (1910-1989).

Démons contre fantômes, de Koruda Yoshiyuki : datant de 1968, un des fleurons de la rétrospective «Histoire de fantômes japonais» avec des spectres en peluche sortis du Muppet Show.

The Great Ectasy of Robert Carmichael, de Thomas Clay : découvert à Cannes où sa beauté froide a fait sensation, l’une des nombreuses avant-premières, signe que le festival, complet presque tous les soirs, est devenu une rampe de lancement. A ne pas rater non plus, The Piano Tuner of Earthquakes, des maniéristes frères Quay.

Massaker, de Monika Borgman, Lorkman Slim et Hermann Theissen : un documentaire libanais ou à la façon d’un exorcisme collectif. Le massacre de Sabra et Chatila conté par ses bourreaux trouvera-t-il, à l’Etrange festival, les oreilles historiennes à qui il s’adresse en priorité ? De même, Gloria Mundi, restauration du film de Nico Papatakis sur la torture en Algérie, quittera le registre du décalé pour une expérience autrement éprouvante.

To be continued…