Michel Seydoux a eu la formidable initiative d’éditer en un DVD hommage à Patrick Dewaere, deux beaux films de Maurice Dugowson « Lily aime-moi » et « F comme Fairbanks ! ». Je traite ici du premier film tourné en 1974, histoire de déplorer combien Dewaere nous manque… Son jeu était tellement moderne, que lorsqu’on le voit, on a l’impression de voir un film tourné l’an dernier. Maurice Dugowson a débuté à la télévision, il a d’ailleurs fait beaucoup de direct – « Droit de réponse », notamment -. Il a commencé assez tard à faire des films, mais il avait une capacité à saisir les instants de grâce et avait un regard acerbe sur la société de son temps. Ce film écrit par Michel Vianey bénéficie de l’énergie communicative de ses trois principaux comédiens, Dewaere, Rufus et Jean-Michel Folon, qui se révèle non seulement à la hauteur des deux autres, mais il véhicule en plus une réelle singularité. François -Jean-Michel Folon -, se voit confier une enquête par son rédacteur en chef – Le Mockyien Maurice Vallier -, sur un OP3, un ouvrier d’usine à la chaîne, Claude vivant dans un grand ensemble – Rufus, excellent loin d’être naturaliste -. Ce dernier vient d’être quitté par sa femme – Zouzou, dans un très beau rôle de femme déçue -. François touché par son désarroi, va lui présenter un ami boxeur dynamique et cultivé, Johnny Cask,en fait il a choisi ce nom en voyant une Série B. américaine, son vrai prénom étant Gaston et qui a la particularité de finir toujours sur le tapis. Claude laisse sa petite fille chez la concierge, et le trio va partir en vadrouille et à la reconquête de Lily, réfugiée chez ses parents – Roger Blin, dans le registre « popu » et touchant et Tatiana Moukhine -.

Patrick Dewaere et Jean-Michel Folon

Ils rencontrent plusieurs personnage dont un groupe d’intellectuels – Juliette Gréco, Roland Dubillard, Andreas Voutsinas, le cinéaste Henry Jaglom, tendance chargeurs réunis – regardant Claude comme un extra-terrestre. Dugowson les égratignent avec beaucoup de mordant. Il y a des débutants excellents issus du théâtre Bernard Freyd en syndicaliste, Anne Jousset en auto-stoppeuse amusée et nymphomane et Jean-Pierre Bisson déjà impressionnant dans le rôle du frère excentrique de Flo – Juliette Gréco -, Maurice Travail bon second rôle ici en râleur dans un ascenseur. N’oublions pas la scène d’anthologie avec Miou-Miou traitant Johnny qui la drague de tout les noms d’oiseaux, ça permet de vérifier qu’elle était déjà une grande actrice. Rufus étonnant dans un rôle lunaire, inquiet et dépressif, retrouve une nouvelle énergie et une compréhension pour Lily, finissant enfin par exprimer son originalité étouffée. Johnny cavaleur invétéré sous une bonne humeur permanente se découvre meurtri et touchant, voire poétique – il boxe un oreiller -, c’est une magnifique occasion de retrouver ce comédien au sommet de sa forme et de son art. François, le plus serein des trois, dresse un constat amer mais vivant sur son sort et celui de ces amis. Zouzou, icône de ces années là, est d’une grande justesse dans ce rôle de femme étouffée par la possessivité de son mari et sa condition sociale. Comme l’explique justement, Jean-Michel Folon dans un des bonus du DVD, c’est l’amitié débordante et tonique du trio d’acteur qui a donné ce ton si passionnant au film. Maurice Dugowson a eu l’intelligence de suivre cette bonne humeur, tout en laissant un instantané très lucide de son époque et les dures contraintes de du quotidien. Après « F comme Fairbanks » (1975), il devait réaliser « Au revoir… à lundi » (1978), « Sarah » (1982) et « La poudre aux yeux » (1993), avant de mourir prématurément en 1999.