George Romero réussit avec « Land of the Dead » à concilier un excellent film d’horreur, tout en décrivant de manière acerbe la société de son temps , et une certaine tendance politique des États Unis. Sa vision est pessimiste, à part une poignée de personnes justes, chacun tente de trouver son compte dans une société difficile, et si certains reste dans un comportement social, c’est par intérêt. La violence barbare et primitive relève ici plus de la survie, de la loi du plus fort, du chacun pour soi. Dennis Hopper dans un jeu très underplaying est admirable dans son rôle de maître de ce IGH qui constitue un refuge pour les élites. Il maîtrise une certaine ironie sourde, et sert même de symbole de l’évolution des États-Unis. Certaines déclarations misent dans sa bouche prennent donc un certain relief. Bruno Icher et Florent Latrive dans « Libération » citent avec justesse George Romero qui « dit volontiers sa déception d’apprendre que Hopper, «enfant de la contre-culture» comme lui, est aujourd’hui un homme de droite qui s’assume : «Easy Rider joue au golf et vote républicain, le croyez-vous ?» Cela n’empêche pas Hopper d’avoir porté le projet. Téléphonant à son réalisateur après lecture du script pour lui dire, enthousiaste, «Kaufman, c’est Donald Rumsfeld.» C’est tout un parcours… Despote déterminé, regrettant d’avoir certains agissements selon les informations qui étaient en sa possession, il est réjouissant d’ignominie. Il représente la société du replis sur soi, une humanité vénale finalement prise à son propre piège. La seconde catégorie du film est constituée  de marginaux parqués autour du lieu – du mythe américain ? -, et dont la plupart ne pensent qu’à rejoindrent le grand bâtiment, par des menus services, comme le personnage de John Leguizamo – excellent – mercenaire arriviste et chargé des basses œuvres et rêvant d’une place au soleil par tous les moyens. La lutte inévitable, et les perturbateurs rapidement neutralisés comme Asia Argento – on sait l’importance de son père Dario, dans l’œuvre de Romero – est une prostituée dure au mal, jetée en pâture par un nain aigri tout droit sorti de « Freaks » et prévue pour être sacrifiée à une nouvelle société du spectacle.  Le film fraternise donc avec l’œuvre de John Carpenter, comme le dit justement Pierrot dans son blog, comme dans son « They lives – Invasion Los Angeles », le héros incarné par Simon Baker, très justement choisi car rien ne le détermine à ça, est un homme sans histoire, voulant vivre avec dignité et montrant sa détermination dans l’adversité.

Mais les  frontières entre les individus ne sont pas toujours aisées à définir, le grand brûlé un peu simplet mais fidèle au héros – Robert Joy acteur canadien découvert dans « Atlantic City » de Louis Malle étant plus défiguré que le grand zombie noir ancien pompiste – étonnant Eugene Clark -. Ce dernier est la figure la plus attachante du film, en prenant conscience de son ancien statut d’humain deviendra un meneur, sorte de Spartacus de l’horreur. Cette troisième catégorie, qui peut-être assimilable aux « homeless » ou aux habitants du tiers monde, sont les zombies, lie de la société, faire-valoir de jeux cruels. Les êtres sont personnalisés, « humains » et perdus. Le film alterne les scènes gores et de poésie – la traversée d’une étendue d’eau, une certaine manière de capter l’attention des zombies, les éviscérations en ombre chinoise -, et brille par la capacité de renouvellement du cinéaste. Ce quatrième opus de l’œuvre zombiatoire de George Romero – le magnifique « La nuit des morts-vivants » (1968), définitivement culte, « Zombie » (1978) et « Le jour des morts vivants » (1985), auquel on peut associer « The crazies – La nuit des fous vivants » (1973) – démontre les lettres de noblesse du cinéma fantastique, souvent révélatrices des peurs et des mentalités de toute une époque. C’est ici du grand art.

Eugene Clark