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KATIA

Katia, remake, vingt ans après du film de Maurice Tourneur (1938) avec Danielle Darrieux et John Loder, est un avatar post-Sissi, qui se suit allégrement même si l’on a jeté son âme de midinette aux orties depuis longtemps. L’eau de rose est distribuée sans modération, mais le talent tout terrain de Robert Siodmak est à nouveau confirmé, même ici dans le mode mineur. On lui doit nombre de classiques du film noir hollywoodien : « Les tueurs », « La double énigme », « La proie » et du cinéma français « Mollenard » ( (1938) – l’un de mes films de chevet – ou le formidable « Pièges ». La Russie tsariste est presque crédible avec sa distribution franco-allemande, Siodmak se révélant à nouveau un maître. Il utilise les décors avec efficacité, loin de l’atmosphère empesée du cinéma qualité France, assez sclérosée des années 50. Curd Jürgens joue un Tsar Alexandre II, assez caricatural, – il prend conscience du servage, en voyant un pauvre serf – inattendu Paul Mercey -, obligé de vendre son cheval. Il tombe amoureux de la jeune Katia – Romy Schneider, sur le mode mutin, doublée ici nous informe « La gazette du doublage » par Janine Freson –.

Romy Schneider & Curd Jürgens

Il a beaucoup d’excellents interprètes de Monique Mélinand, tsarine Maria, malade mais lucide, elle est très touchante, Margo Lion en surveillante de pensionnat rigoureuse, Gabrielle Dorziat en directrice de ce même pensionnat amusée par les petits mensonges de Katia, Germaine Delbat inévitable servante des Dolgorouski, le maniéré Hubert Noël en frère de Katia, Robert Le Béal en baron messager, et on s’amuse à reconnaître la voix et la silhouette de la débutante Monique Tarbès en jeune pensionnaire . Et il y a Paul Mercey – oublié des dictionnaires de Raymond Chirat -, qui pour une fois ne joue pas un français barbu, mais un pauvre paysan inféodé, qui accueille avec générosité le Tsar, ne le reconnaissant qu’en voyant son profil sur une pièce. On ne le reconnaît pas tout de suite d’ailleurs son visage étant mangé par une barbe fournie. Dans le petit groupe des révolutionnaires, on retrouve Michel Bouquet inquiète en révolutionnaire intransigeant – une présence incroyable déjà -, Françoise Brion en révolutionnaire sensible, Alain Saury attentiste nerveux, un inhabituel Bernard Dhéran raisonnable mais déterminé, Yves Barsacq en fourbe de service, Antoine Balpêtré ancien sentencieux et le débutant Laszlo Szabo – avant d’être l’acteur fétiche de la nouvelle vague -, l’un des plus virulents, abattu suite à une sombre ruse. Et il y a Pierre Blanchard en Koubaroff, chef de la police, complotant allègrement contre les réformes du Tsar transformé par l’amour (envoyez les violons). Il s’impose encore une fois comme l’un des acteurs démesurés – cabotin ? – du cinéma mondial. La nuance n’étant pas un concept intégré dans son jeu, ça en devient (presque) jubilatoire, entre électrocution et épilepsie. Ce film d’un honnête artisan, est à conseiller, même si l’on n’est pas trop amateur de « guimauve ».

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Annonce de la mort l’acteur canadien James Doohan, célèbre pour avoir été Scotty, dans la série « Star Trek ».

PLUS CA VA, MOINS CA VA

« Plus ça va moins ça va » (1977) est un film atypique, déconcertant, loin d’être la comédie attendue et franchouillarde telle qu’est définie sur l’affiche du film. C’est l’été. Le film commence par l’enquête d’un tandem inédit de policiers fatigué enquêtant sur un crime particulièrement odieux – une femme pendue dont les poils pubiens ont été mis dans sa bouche ! », dans une campagne écrasée de soleil. Le tandem anthologique est incarné par Jean-Pierre Marielle & Jean Carmet, que l’on retrouvera souvent ensuite chez Jean-Daniel Verhaeghe pour la TV… Ils se retrouvent devant une villa somptueuse habitée par de riches oisifs, peu concerné et qui s’ennuient mollement avec une indolence cynique. Il y a Henri Garcin – il est excellent en n’ayant pas grand chose à faire -que trompe sa femme avec un jardinier frustre – Niels Arestrup -, Mort Schuman en producteur décalé parlant italien avec Carlo Ponti, et retrouvant seulement là un peu d’entrain. Il semble amoureux encore de sa femme. Il y a également un acteur célèbre, joué par Louis Jourdan qui s’amuse à écorner son image en incarnant un vieux beau, dont personne ne semble se souvenir des rôles – Carmet parle d’un film avec une épée, sans se souvenir du titre. Il promène un spleen encore plus grand que les autres invités, désabusé il se déguise en clown blanc et discute avec sa maîtresse et il semble revenu de tout. Sa jeune compagne est jouée par Caroline Cartier, qui est morte prématurément, leur discussion sur la mort prend ici un tragique aspect, Jourdan la voyant mourir sans bruit, et elle évoquant le panache (selon elle) du suicide de Georges Sanders. Le reste de la distribution est espagnole, pour cause de co-production, ce qui rajoute encore en bizarrerie.

Revenons à notre duo, qui ne veut surtout pas déranger nos notables. Racistes et veules ils vont s’en prendre gratuitement à un travailleur maghrébin Mostéfa Stiti (excellent et vu beaucoup dans les années 70), qui va être sauvé par des vacanciers déguisés en indien après avoir été interpellé par des cow-boys ! Nos amis les flics demandent sans cesse les papiers aux plus faibles – il y a aussi El Kébir, qualifié également de « bicot » mais qui va les faire tourner en bourrique -, la dénonciation de la société des années 70 est subtile et vacharde. Mais nos deux inspecteurs sont moins simplistes, ont des lettres, Melville – formidable Jean Carmet -, déplorant qu’il n’y ait pas de policiers dans « La recherche du temps perdu ». Et il y a Pignon – Marielle démesuré, génial -, qui maugréait en silence contre les privilégiés, se rappelle qu’il ne supporte plus la solittude en voyant des boîtes de conserve, refuse de voir un cadavre et prétend – histoire de déstabiliser son prochain – que la mort est à la gauche de chacun de soi et que si on tend son bras, on peut même la sentir. Il tombe amoureux de la belle Caroline Cartier, et se comporte alors comme un adolescent timide… Nous avons droit ici à un beau festival Carmet-Marielle, qui surprend à chaque instant et il est vrai que l’ennui s’installe un peu quand ils sont absents de l’écran. Ce film non conventionnel est à découvrir et montre le beau talent du cinéaste Michel Vianey, dont on aimerait pouvoir voir son premier film « Un type comme moi ne devrai jamais mourir » (1976), mettant en vedette le dessinateur Jean-Michel Folon. Une curiosité salutaire diffusée en ce moment sur CinéExtrême.

LAYER CAKE

Le producteur Matthew Vaughn, sage producteur de Guy Ritchie, transcende assez ici un polar routinier, où un trafiquant de drogue, voulant se retirer, se voit comme précurseur, sorte de représentant nouvel âge dans une société qu’il compare au temps béni du polar de la prohibition. Le film est une adaptation d’un roman de J.J. Connelly’s l est vrai que l’on est en manque côté français, à part les films d’Olivier Marchal, le polar s’est réfugié chez nous à la TV, où d’innombrables flics irréalistes rivalisent en clichés et en médiocrité. Ce film réveille donc chez nous un plaisir de cinéphile, faisant preuve d’ingéniosité et de roublardise, d’une bande son efficace. On suit donc avec intérêt le minéral Daniel Craig, archétype du voyou solitaire sans nom, dans ses pérégrinations et la succession de problèmes aux quels il est confronté.

Michael Gambon & Daniel Craig

On assiste à la rituelle course de différents malfrats pour arriver au sommet, où il fait bon se démarquer du tout venant des truands pour briller par son cynisme et figurer comme intouchable. La vision des dealers et autres marchands d’illusions est assez inédite, sans trop de complaisance. Et notre intérêt reste jusqu’au final. Le cinéaste jouant assez habilement avec les conventions, et les clichés, et dépeint une jungle urbaine féroce, montrant une ironie torve. David Craig révèle un charisme et une flegme intéressants, il est entouré de kadors, comme Colm Meaney inquiétant et utilisant les congélateurs de manière peu conventionnelle, il passe d’une bonhomie à une violence sans bornes, avec facilité, ou le méconnu chez nous  Kenneth Cranham, truand de haut vol, avec l’apparence d’un notable, mais déplaisant à souhait. De plus il y a la « rolls-royce » des excentriques anglais, en la personne de Michael Gambon, suffisant à souhait, mais montrant un attachement touchant à sa jeune fille droguée, il fait passé n’importe quel discours avec maestria. Un polar bien ficelé, nous changeant du tout venant habituel.

EMMENEZ-MOI

On pense en voyant ce film d’Edmond Bensimon, à « I Vitelloni »,  des marginaux qui se laissent vivre aux crochets du système, curieuse vision des choses vu le contexte économique ayant changé. Mais nos sympathiques marginaux trouvent ici grâce au yeux du metteur en scène, grâce à la folie contagieuse du personnage de Jean-Claude Meunier. La cinquantaine fatiguée, il est incarnée par un impérial Gérard Darmon.  Jean-Claude survie à sa petite condition, grâce à son admiration idolâtre de Charles Aznavour – il s’est engagé à la Légion, après avoir vu « Un taxi pour Tobrouk » -. Il bafoue son neveu orphelin, qu’il élève comme il peut. Il supporte les sarcasmes des pipelettes locales et noie son désarroi dans l’alcool. Mais le film débute par son sursaut de dignité, il décide d’aller en pèlerinage à pied de Roubaix à Paris, voir le célèbre chanteur en concert. Il embarque son neveu, qui se prend au jeu de le filmer, Jean-Claude voulant laisser une K7, au grand Charles. On suit donc leur trajet picaresque, on n’est pas loin de l’esprit des « Brancaleone », ils entraînent dans leur folie Arsène un chômeur antillais exilé, pour des histoires familiales, et Boris – Zinedine Soualem – un éboueur simplet, qui ne peut commencer une phrase sans dire « en tout cas ».

Zinedine Soualem, Gérard Darmon et Lucien Jean-Baptiste dans « Emmenez-moi »

La force du film est le jeu des 4 compères,  Lucien Jean-Baptiste, en antillais déraciné très touchant, le toujours formidable Zinedine Soualem, qui retrouve en son personnage de Boris, une sorte de petit cousin de son rôle de Djamel dans « Chacun cherche son chat » et Damien Jouillerot, tout en étant hors-champ la moitié du temps, pousse la performance de faire exister son personnage entre révolte et résignation, un comédien dont il convient de suivre son évolution avec grande attention. Tout en laissant exister ses partenaires, Gérard Darmon nous livre un de ses plus grands rôles, il impressionne constamment, tout en évitant les pièges des scènes d’ivresse, il fait preuve de grandeur, dans de nombreuses scènes jubilatoires, tout en étant impeccable dans les scènes chantées dans un registre différent du sien – son album chanté « Au bout de la nuit » -. Il y a beaucoup de scènes mémorables et drolatiques – les microns, le cimetière et « La Mama », on ne s’ennuie jamais. Le parti pris d’un home-movie, filmé à travers une caméra DV – il y avait déjà ce processus dans « Ma caméra et moi » de Christophe Loizillon, avec déjà Zinedine Soualem -, et des enchaînements des passages musicaux colorés comme un film de Jacques Demy est habile et efficace. L’utilisation finale de Charles Aznavour est ingénieuse, on finit par regretter de ne pas avoir à faire le chemin du retour avec cette petite équipe. Une bonne surprise, décalée et sympathique à l’énergie communicative.

LE COIN DU NANAR : O.K. PATRON

Le nanar du jour est « O.K. Patron » film réalisé en 1973, et sorti en février 1974. On dirait un film de Georges Lautner, mais même s’il est bien placé au générique du film et sur l’affiche comme surperviseur, le réalisateur est ici Claude Vital. C’est son premier film et il va régaler bien souvent ensuite les amateurs de navets – « Le chasseur de chez Maxim’s » (1976), « Le maestro » (1977), « Le temps des vacances » (1979), « Une merveilleuse journée » (1980), « Si elle dit oui… Je ne dis pas non ! »  (1982) -. Que du bonheur ! C’est là qu’il faut rendre hommage au talent de metteur en scène de Lautner, en opposition tout est ici poussif, lent et presque sinistre. L’histoire, est un décalque sans imagination du « Grand blond », agrémenté de la mode lancée par le film de Coppola, « Le parrain » – les photos de Brando et Pacino, servent de la pub pour Smalto ! -. Mario, un maffioso important se meurt suite à une attaque sournoise – apparition amicale et non créditée de Michel Constantin -. Sa veuve – Mireille Darc -, charge ses deux gros bras – Henri Guybet & Jean Luisi, très drôles dans des rôles de truands idiots -, de trouver un leurre, pour éviter que des bandits à la gâchette facile, se goinfre sur l’héritage d’un empire maffieux. Ils trouvent en la personne de Léon Bonnet, hâbleur représentant en croix miraculeuses !, flanqué de sa petite amie BCBG – Axelle Abadie, dans son registre habituel de bourgeoise -. Selon certaines biographies de Michel Audiard, il aurait fait du rafistolage – ce qui n’améliore pas grand chose, d’ailleurs. Seule la distribution est digne d’intérêt ici. Si Mireille Darc, Maurice Biraud et Daniel Ceccaldi semblent s’ennuyer ferme et Francis Blanche montre des signes évidents de fatigue, dans l’un de ses derniers rôles. Mais on peut s’amuser à retrouver Renée Saint-Cyr, dans son rôle habituel de bourgeoise pas du tout décontenancée par les évenements, André Pousse en tueur baladé dans un avion, de détournements en détournements,  Paul Préboist en chef des représentants., etc…

Il y a également un multitude de seconds rôles, comme Robert Dalban, en commissaire fatigué et amusé – Léon Bonnet lui apporte des armes, qu’on lui a donné -, Dominque Zardi en notaire trop distingué pour dissimuler longtemps ses origines de voyous – un de ses rôles les longs -, Jacques Préboist – frère de l’autre injustement oublié – en livreur avenant, Hélène Dieudonné en concierge sympathique et dévouée, Jacqueline Doyen en grande bourgeoise, Bernard Musson en amiral aboyeur ou le trop méconnu Gabriel Jabbour, confectionneur tueur et homme d’honneur. On retrouve aussi avec surprise Pierre Zimmer, réalisateur et acteur chez Melville – « Le deuxième souffle » -, qui semble s’amuser ici avec un rôle de caïd en chef. Je viens de rajouter le générique complet sur la fiche IMDB, en cours de validation, les éléments présents provenant des catalogues du CNC. Reste le jeu de Jacques Dutronc, incroyable de décontraction, il amène une véritable originalité face à de vieux routiers aguerris. Primesautier, bondissant et iconoclaste, il se taille la part du lion, dans ce film si peu original. Il signe ici la musique et s’entoure de ses potes Jean Luisi et Hadi Kalafate. Il n’a plus qu’à attendre ici, son rôle dans « L’important s’est d’aimer », pour entrer dans la cour des grands l’année suivante.

LA GUERRE DES MONDES (Version Haskins)

Cet habile petit chef d’œuvre de 1953 signé Byron Haskins, sur une initiative du producteur George Pal,  n’a pas à souffrir avec son prestigieux successeur. Le talent est au rendez-vous et le budget important pour l’époque. Steven Spielberg l’a d’ailleurs habilement cité en reprenant les vedettes du films Gene Barry et Anne Anderson, dans le rôle des grands-parents, le temps d’un clin d’œil final. On reste bluffé par les effets spéciaux de l’époque, signés Gordon Jennings – récompensés par un oscar -, l’état du monde est une reprise assez inégale, mais les créatures à trois yeux sont une pure réussite – l’idée de l’œil télescopique est reprise par Spielberg dans la scène de la cave -. Le film a gardé pouvoir d’effroi, il y a dans ce film des scènes encore saisissantes, comme celle de l’oncle pasteur qui tente de communiquer avec les Martiens. La grande différence entre ces deux films est l’abandon de l’idée des martiens – idée pouvant devenir bien sûr hautement ridicule 50 ans après -. Nos amis martiens, vivent dans un univers inhospitalier et observant l’humanité, en vue de l’occuper. Le film met en vedette deux scientifiques, en goguette dans une Amérique profonde rassurante et bonne enfant – la soirée de danse de quadrille-. Les journaux constituent alors le média majeur, soulignés par la première rencontre du « troisième type » de trois nigauds qui veulent figurer à la une, où une crieuse de journaux désinvolte – elle tricote – mais efficace. Haskins souligne la vie qui continue, d’un chat ou le garçon qui ramasse un ballon d’une petite fille.

L’habilité de Spielberg est de n’avoir pas repris les clichés de l’époque, utilisés encore il y a peu dans l’immonde « Independance day ». Il y a donc ici beaucoup de discussions militaires, les militaires étant aidés par le Dr. Clayton Forrester, un scientifique paisible et portant lunettes – pour voir de loin -, loin du fantasme de la jeune Sylvia Van Buren, passionnée par les chercheurs. Les nations vont donc faire converger leurs connaissances pour neutraliser les aliens, mais ici aussi l’humanité est capable du pire, comme voler le véhicule de Clayton, contenant des instruments susceptibles de les sauver. Il y a beaucoup de similitude finalement avec le nouveau remake, des scènes communes, celle de la ferme transposée dans la cave, le bras martien, le film bascule un tantinet dans l’œcuménisme et une bondieuserie finale, les rescapés se cachant dans une église. La richesse du cinéma fantastique permet de réfléchir sur toute une époque, la peur de la guerre froide (la planète rouge…), chez Haskins devenant le traumatisme post « 11 septembre » chez Spielberg. Le film diffusé en ce moment sur TPS Home Cinéma, est également disponible en DVD. Pour en savoir plus sur le cinéaste Byron Haskins, il convient de lire le formidable « Série B » de Pascal Mérigeau et Stéphane Bourgoin (Édilig, 1983), hélas épuisé mais qui mériterait une réédition.

LA GUERRE DES MONDES (Version Spielberg)

Il convient de saluer le nouveau film de Steven Spielberg, qui arrive à se renouveler constamment avec des blockbusters de qualité avec un (presque) rythme d’un Woody Allen. Ce film joue habilement avec nos peurs ancestrales, il est rare de voir un film qui vous glace d’effroi et de cette qualité. Tom Cruise joue un anti-héros Ray Ferrier, dont l’ancienne femme qui attend son troisième enfant et vie avec un homme aisé – Miranda Otto, réellement enceinte lors du tournage -, lui confit à l’improviste la garde de ses deux enfants Rachel et Robbie. Le climat est assez tendu donc, Ray a un travail difficile, et manque de se faire exploiter… La suite est connue, elle est l’adaptation du roman d’H.G. Wells, transposée habilement au XXIIème siècle… La star a donc l’intelligence de montrer ici un personnage égoïste qui devra en plus de secourir sa famille retrouver la considération de ses enfants, les reproches fusent dans les moments de troubles, voire l’ahurissante anecdote du « beurre de cacahuète », Rachel – étonnante Dakota Fanning -, étant allergique depuis sa naissance. Spielberg montre à nouveau son génie (sens non galvaudé du terme), en faisant monter l’angoisse d’une invasion extra-terrestre. Les signes avants-coureurs des attaques sont montrés avec maestrias, d’un vol d’oiseau déroutant ou de changements inédits du climat (la foudre sans orage). Le scénario du film reprend avec justesse les traumatismes du XXème siècle (le 11 septembre 2001 évidemment, les diverses exodes, ou catastrophes). Ce thème on le sait avait semé la panique lors de l’adaptation radio d’Orson Welles, en 1938, disponible en CD il y a quelques années. Les aliens sont une menace évidente, avec seul but la colonisation de la terre en exterminant une humanité arrogante, le sang humain servant même d’engrais pour une végétation grimpante. Tout est ici hyperréaliste, et les progrès des effets spéciaux aident à croire à l’histoire.

Tom Cruise et « la screaming girl » Dakota Fanning

Mais pour le trio à la dérive, il faut de plus compter sur les comportements humains, égoïstes et violents quand il s’agit de sauver sa peau. Le père de famille a la dure tâche de protéger les siens, il trouve là sa grandeur d’homme, ses faiblesses – il écrase un piéton, dans une foule qui veut saisir son véhicule. Il protége l’innocence de sa fille en lui bandant les yeux, elle qui ne jure que par son frère pris par la vaine considération de vouloir en « découdre » avec l’ennemi. La bassesse humaine, mais aussi la manière de montrer une « humanité » qui peut se révéler une menace à tout moment est habile et sans illusions. Il y a un quatrième personnage marquant, Harlan Ogilvy, ancien ambulancier dont la raison chancelle. Tim Robbins dans ce rôle est formidable, jouant de son côté rassurant avant de basculer rapidement, pris par des considérations patriotiques. La rencontre entre le père de famille et lui, est déterminante, les deux manières de vivre la situation ne pouvant donner qu’une issue fatale. En aparté, on peut voir aussi sa réplique « nous ne sommes pas sur la même longueur d’onde », l’amusante confrontation de Tim Robbins, connu pour son humanisme, avec « le sectaire » Tom Cruise ». La mise en scène est éblouissante, habitée par une poésie morbide (le train fou, les vêtements des victimes volants, les victimes transformées en cendres, parabole biblique bien connue). On peut déplorer la fin convenue des retrouvailles, – le moyen de lutte est déjà dans le roman, est une idée classique dans les romans SF -, et on aurait peut-être gagné en tension à voir un peu moins de créatures. Mais ce n’est rien pour cette pure réussite formelle, émotionnelle, nous donnant une méditation amère sur notre statut d’humains en sursis.

L’AMOUR AUX TROUSSES

On a envie d’être indulgent pour ce « buddy movie » convenu réalisé par Philippe de Chauveron,. Un film où l’on retrouve Dominique Zardi, ne peut pas être complètement mauvais. Le film est porté par son trio de comédiens sympathiques, Jean Dujardin, Caterina Murino et Pascal Elbé après sa belle performance des « Mauvais joueurs ». On retrouve une tradition bien française des comédies policières françaises. Reste un évident problème de rythme et d’écriture, ses personnages sont pourtant attachants. Il y a beaucoup d’excellents seconds rôles, malheureusement ils ont plus une présence à tenir, plutôt que de véritables rôles, Jean-Luc Porraz en chef de la police, Cyril Lecomte en policier volubile, Patrick Rocca en commissaire antipathique, Dominique Bettenfeld en caïd, etc…. Il manque beaucoup de rôles sur la fiche  IMDB, et je n’ai trouvé qu’un nom à rajouter Edith Le Merdy en pharmacienne. Claude Brasseur s’amuse avec son rôle de tonton innocent aux mains pleines.

François Levantal et Caterina Murano dans « L’amour aux trousses »

On en vient au meilleur du film, c’est le grand méchant Carlos, superbement campé par François Levantal. Cet individu sinistre et brutal, et bandit de grand chemin, peut se révéler (trop) humain, en forçant un couple de retraité qu’il séquestre  boire pour ne pas périr d’une improbable chaleur. Le mari est joué par Zardi, justement, c’est ici presque une citation à tout une époque du cinéma. Durant tout le film, on a qu’une hâte, celle de le retrouver. Le cinéma utilise François Levantal sans originalité, le confinant souvent dans des rôles de brutes, mais il faut voir ce qu’il apporte chaque fois à ses prestations, c’est du grand art. Je vais revenir spécifiquement sur ce comédien très prochainement, car à mon humble avis il sauve le film.

EROS

Je me souviens d’un article des Cahiers du Cinéma de 2002, concernant le tournage du dernier film de Michelangelo Antonioni. On sait depuis que ce film est une initiative des producteurs d’utiliser le prestige du cinéaste, en rajoutant à cet inachevé deux autres épisodes, Pedro Almodovar était d’ailleurs envisagé. Nous avons donc à faire à un produit manufacturé un poil racoleur, continuant la mode assez nostalgique des années 60 des films à sketches.

La condescendance de la critique envers « Il filo pericoloso delle cose », l’épisode d’Antonioni, est curieuse, comme si son mutisme dans la vie et son grand âge l’avait privé de son talent. Il n’en est rien, l’acuité de son regard est intacte, les deux comédiennes : Regina Nemni et Luisa Ranieri sont d’une sensualité sans artifices. Le cadrage des lieux et la description d’un couple qui s’étiole, nous donne l’envie d’en voir plus. On retrouve Christopher Buchholz, dont j’avais apprécié la lucidité sur son métier lors d’une avant-première en 2001 du film d’Yvan Gauthier « Les aliénés », mais que l’on ne voit que trop rarement sur nos écrans. Cette œuvre d’Antonioni me semble le meilleur de l’ensemble.

Luisa Ranieri et Christopher Buchholz dans « Éros »

« Equilibrium », le sketch de Soderbergh est loin d’être déshonorant, exercice de style certes, mais efficace, avec en prime un acteur simplement génial Alan Arkin, qui arrive à composer un truculent psychiatre voyeur, continuant la conversation avec son patient – Robert Downey Jr, assez déglingué -, tout en organisant son vice.

Wong Kar-Waï retrouve avec « La main » un style certes plus concis que son 2046, une sensualité, dans dévoiler un morceau de chair, jouant sur le fétichisme des étoffes,  mais on ne peut pas parler de renouvellement. On pense évidemment à « In The Mood for love ». L’obsession d’un amour retenu plus forte qu’un amour vécu est saisissante. La description d’une frustration du jeune tailleur– à l’exemple des bruits de coïts entendus à travers les murs à travers les murs . Dans le rôle de l’aimée, une courtisane, Gong Li est sublime de beauté. Las, le tout me semble l’œuvre d’un cinéaste doué mais auto-aveuglé par la persistance de son talent, en nous distillant un ennui poli. Ce n’est donc pas le chef d’œuvre annoncé finalement. L’ensemble est à classer dans la rubrique film hybride mais intéressant.

MILLIONS

Qu’est-il arrivé à Danny Boyle ? On pouvait penser son attitude méritoire de vouloir continuer à œuvrer au Royaume Uni après son succès international. Après ses zombies sous acides, il nous surprend en faisant un conte pour enfants, vaguement critique envers l’Euro et le pouvoir de l’argent. Le résultat est assez déconcertant, passant de la virtuosité trop préparée, à une imagerie clipesque et quelques clichés mollement dynamités. Le tout se laisse voir sans efforts, l’histoire étant vue à travers les yeux d’enfants. L’idée de base était assez sympathique, deux orphelins de mère, aménagent avec leur père dans une zone pavillonnaire anglaise.

Il y a de bonnes idées, la police intégrant l’idée d’un cambriolage possible et inéducable, l’imagerie des saints. L’histoire de l’argent « tombé du ciel » et de ses conséquences est assez convenue, et la farce assez vaine. On se demande si on ne visionne pas finalement une sorte de publicité amusante mais géante, le temps des fulgurances de « Trainspotting » semble loin.  Les bonnes intentions confinant même au ridicule au final. Dommage !