Il convient de saluer le nouveau film de Steven Spielberg, qui arrive à se renouveler constamment avec des blockbusters de qualité avec un (presque) rythme d’un Woody Allen. Ce film joue habilement avec nos peurs ancestrales, il est rare de voir un film qui vous glace d’effroi et de cette qualité. Tom Cruise joue un anti-héros Ray Ferrier, dont l’ancienne femme qui attend son troisième enfant et vie avec un homme aisé – Miranda Otto, réellement enceinte lors du tournage -, lui confit à l’improviste la garde de ses deux enfants Rachel et Robbie. Le climat est assez tendu donc, Ray a un travail difficile, et manque de se faire exploiter… La suite est connue, elle est l’adaptation du roman d’H.G. Wells, transposée habilement au XXIIème siècle… La star a donc l’intelligence de montrer ici un personnage égoïste qui devra en plus de secourir sa famille retrouver la considération de ses enfants, les reproches fusent dans les moments de troubles, voire l’ahurissante anecdote du « beurre de cacahuète », Rachel – étonnante Dakota Fanning -, étant allergique depuis sa naissance. Spielberg montre à nouveau son génie (sens non galvaudé du terme), en faisant monter l’angoisse d’une invasion extra-terrestre. Les signes avants-coureurs des attaques sont montrés avec maestrias, d’un vol d’oiseau déroutant ou de changements inédits du climat (la foudre sans orage). Le scénario du film reprend avec justesse les traumatismes du XXème siècle (le 11 septembre 2001 évidemment, les diverses exodes, ou catastrophes). Ce thème on le sait avait semé la panique lors de l’adaptation radio d’Orson Welles, en 1938, disponible en CD il y a quelques années. Les aliens sont une menace évidente, avec seul but la colonisation de la terre en exterminant une humanité arrogante, le sang humain servant même d’engrais pour une végétation grimpante. Tout est ici hyperréaliste, et les progrès des effets spéciaux aident à croire à l’histoire.

Tom Cruise et « la screaming girl » Dakota Fanning

Mais pour le trio à la dérive, il faut de plus compter sur les comportements humains, égoïstes et violents quand il s’agit de sauver sa peau. Le père de famille a la dure tâche de protéger les siens, il trouve là sa grandeur d’homme, ses faiblesses – il écrase un piéton, dans une foule qui veut saisir son véhicule. Il protége l’innocence de sa fille en lui bandant les yeux, elle qui ne jure que par son frère pris par la vaine considération de vouloir en « découdre » avec l’ennemi. La bassesse humaine, mais aussi la manière de montrer une « humanité » qui peut se révéler une menace à tout moment est habile et sans illusions. Il y a un quatrième personnage marquant, Harlan Ogilvy, ancien ambulancier dont la raison chancelle. Tim Robbins dans ce rôle est formidable, jouant de son côté rassurant avant de basculer rapidement, pris par des considérations patriotiques. La rencontre entre le père de famille et lui, est déterminante, les deux manières de vivre la situation ne pouvant donner qu’une issue fatale. En aparté, on peut voir aussi sa réplique « nous ne sommes pas sur la même longueur d’onde », l’amusante confrontation de Tim Robbins, connu pour son humanisme, avec « le sectaire » Tom Cruise ». La mise en scène est éblouissante, habitée par une poésie morbide (le train fou, les vêtements des victimes volants, les victimes transformées en cendres, parabole biblique bien connue). On peut déplorer la fin convenue des retrouvailles, – le moyen de lutte est déjà dans le roman, est une idée classique dans les romans SF -, et on aurait peut-être gagné en tension à voir un peu moins de créatures. Mais ce n’est rien pour cette pure réussite formelle, émotionnelle, nous donnant une méditation amère sur notre statut d’humains en sursis.