Dernier avatar du blues des trentenaires, « Avant qu’il ne soit trop tard » déçoit, même si on note des progrès de Laurent Dusseaux par rapport à la comédie très oubliable « Le coeur à l’ouvrage ».

Il y a beaucoup d’écueils dans ce film, l’incapacité de rendre l’ivresse d’une soirée, autre que tournoyer vainement autour des acteurs, des dialogues, une vision de la vie, et des aphorismes d’Alain Layrac tombant dans le ridicule, de bons comédiens sacrifiés (Éric Savin, Manuel Blanc, Lisa Martino). Une espèce d’amertume, de pessimisme ambiant, et de bons comédiens Frédéric Diefenthal, Jules Sitruck, Édouard Montoute – continuant à montrer une nouvelle sensibilité, sauve un peu ce film.

Il faut saluer particulièrement Vanessa Larré en handicapée écorchée vive, Élodie Navarre -vraiment pas aidée dans un rôle lourdingue – en ravissante idiote, et surtout la lumineuse Émilie Dequenne, dont les choix sont toujours judicieux.

Un sentiment mi-figue, mi-raison, pour cet ersatz du pauvre du beau « Les copains d’abord » de Lawrence Kasdan.

Article du Figaro, par Emmanuèle Frois, le 014/05/2005

CINÉMA Émilie Dequenne joue dans le dernier film de Laurent Dussaux «Avant qu’il ne soit trop tard» Itinéraire d’une battante

«Je ne veux pas être cataloguée dans un genre, je change de tête à chaque fois. A quoi bon jouer, sinon?», explique Emilie Dequenne. (DR.)

Un visage triangulaire, des yeux en amande d’un bleu profond qui vont droit au but. Et des mains carrées qui embrassent la vie sans compter. «Au bout des doigts j’ai de nombreuses petites volutes, elles sont, dit-on, l’apanage des terriens. C’est un symbole qui me plaît. Dans ma famille on est menuisier, jardinier, ouvrier.» Emilie Dequenne est de ces natures bulldozers qui séduisent par leur détermination sans faille. «Comme disait ma mère quand j’étais petite : «Tu ferais mourir les autres pour arriver à tes fins.» Elle exagérait à peine. J’ai parfois des oeillères tant je suis concentrée sur l’objectif à atteindre. Avec l’âge j’essaye de me calmer», ajoute, sans grande conviction, la comédienne qui n’aura que 24 ans en août prochain.

Elle a tout fait, très vite comme si elle était en perpétuelle course contre la montre. Elle est de la race des sprinteuses. Elle trace, saute les obstacles, sans effort apparent. «A 2 ans je parlais comme une adulte. A 8, maman me mettait dans un cours de théâtre parce que je chantais sur les tables. A 16 ans, j’ai eu mon bac. Je voulais entrer au Conservatoire mais il fallait avoir 18 ans, alors, en attendant, je me suis inscrite en sciences politiques. Entre-temps il y a eu le casting pour Rosetta.» On connaît la suite, à 17 ans, elle montait les marches du Palais des festivals et remportait le prix d’interprétation à Cannes avec le film des frères Dardenne. «Je fonce, je suis un vrai taureau, disent les frères à mon sujet. Mais, au début, je rougissais devant leur caméra.»

Elle n’a qu’un mot à la bouche, qui lui va bien d’ailleurs et qui revient comme une ritournelle : «le travail». «Je suis issue d’un milieu modeste. Dans ma famille on est courageux. J’ai reçu une éducation ouvrière, dans le respect du travail bien fait.» Douze longs-métrages depuis ses débuts. Avec des rôles qui ne se ressemblent pas. «Je ne veux pas être cataloguée dans un genre, je change de tête à chaque fois. A quoi bon jouer, sinon ?» Comtesse chez Christophe Ganz, patiente sur le divan d’Yves Lavandier, femme de ménage pour Claude Berri… Elle est aujourd’hui Aurélia, une jeune femme délurée, croqueuse d’hommes. Elle les consomme et les jette aussitôt dans Avant qu’il ne soit trop tard, un film sur une bande de trentenaires désenchantés. Un rôle osé, sexy. «A l’exception de Laurent Dussaux le réalisateur, personne ne voulait de moi pour incarner Aurélia, déclare-t-elle avec franchise. La production et même mon agent étaient frileux.» Alors, comme toujours, elle s’est battue. «Je voulais ce rôle à tout prix. Ils voulaient me proposer un autre personnage. Mais je suis restée ferme. Deux semaines avant le tournage, la production m’a rappelée.»

Comme on pouvait l’imaginer, elle n’a pas envie de jouer les potiches. «C’est pour cette raison que je tenais à incarner Aurélia. Elle est franche, honnête, libre. Elle assume ce qu’elle est, c’est enviable.» Après Avant qu’il ne soit trop tard, Emilie a enchaîné les films. De profundis d’Antoine Santana, Le Pont du roi Saint-Louis de Mary McGuckian avec Robert DeNiro, et actuellement elle fait face à la caméra d’Alante Kavaité pour Ecoute le temps. «L’histoire d’une jeune femme ingénieur du son dont la mère a été assassinée dans sa maison de campagne. Elle mène l’enquête et va se rendre compte que le village est bien étrange…» Elle a maigri pour le rôle. «J’ai toujours été ronde. On me disait que c’était ma nature. Mais finalement ma corpulence n’était pas une fatalité.»

Elle vit un conte de fées dont elle n’avait jamais osé rêver. «Ma vocation c’était le théâtre. Pas le cinéma. J’habitais à Vaudignies dans le Hainaut, il fallait faire 25 kilomètres pour aller voir un film. On y allait donc très rarement. Mais j’aimais le côté paillettes du septième art. Heureusement que je ne suis pas de la génération de la «Star Academy». Sinon je serais tombée dedans ! La célébrité ne m’intéresse que pour une chose, elle me permet de choisir mes rôles.» En France, on ne la reconnaît pas dans la rue, sauf quand elle sort sa carte bancaire dans les magasins. «Ce sont des gens qui connaissent mon nom grâce à mon travail.» Quand elle ne tourne pas, elle vit dans sa maison de Haute-Normandie avec son amoureux musicien et leur petite fille Milla aux boucles d’or. «Elle a 2 ans et demi. Elle m’a dit dans son langage imagé qu’elle voulait être maquilleuse de costume.» Emilie en est folle. «Elle est aussi capricieuse que moi, enfant».