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EN ATTENDANT LES ROIS MAUDITS

Philippe Torreton et Jeanne Moreau

Dans la série des questions existentielles dans une vie de cinéphile, il y a celle ci. Qui est l’équivalent d’Ed Wood, à la française, Philippe Clair ??? Max Pécas ??? Émile Couzinet ??? C’est en fait, Josée Dayan ! (mais avec des stars). On la voit ce jour, parler du  nouvel avatar des « Rois Maudits »chez Michel Denizot. Cette saga  tournée en 70 jours, seulement vient d’être présentée hier au MIP TV à Cannes. Elle se vante de tourner jusqu’à 24 minutes utiles par jour… Le chien de Rainier de Monaco vient à son enterrement, Dayan est présentée comme une cinéaste de génie, « tout fout le camp ma brave dame » !

Légitimé par l’impatience de Gérard Depardieu, son talent de captation est indéniable. Mais il y a trop souvent deux options à la vision d’une de ses oeuvres, soit l’ennui – « Balzac », « Les liaisons dangereuses » -, soit le ridicule – « Le comte de Monte-Cristo » -… On peut se demander, s’il n’y a pas une imposture, par sa capacité de « casser les marchés » des téléfilms historiques. On est très loin du talent d’un Jean-Daniel Verhaeghe…

Le personnage de Josée est assez peu sympathique. C’est de notoriété publique, elle est odieuse avec les techniciens et déférentes avec les vedettes. Elle rechigne a tourner un deuxième plan, sauf si un acteur fait bouger le décor ! Il est assez vain d’être sardonique, quand on annonce « Les rois maudits » comme un événemment. ..

La bande-annonce ne laisse pourtant augurer rien de glorieux. Le décor préstigieux de Philippe Druillet contre l’abstraction de la série de Claude Barma, pléthore de stars contre une série d’excellents comédiens (Piat, Virlojeux, Hélène Duc, Georges Marchal, Louis Seigner, etc…). La première faisait preuve d’innovation, assez rare dans cette période très ORTF (1972), sur la présentation des personnages en plan fixe, une sensualité frontale, une violence inhabituelle.  Une oeuvre majeure de la télévision, même à la vision d’un coffret VHS fatigué trouvé dans une solderie.

La barre est très haute, attendons donc le résulat final de ce remake, sur France 2 en Septembre. Note du 22 novembre : compte-rendu ici.

Josée Dayan superstar

Articles : « Les rois maudits sont de retour »

France 2 présentait hier son grand téléfilm de la rentrée au MIP TV

CANNES Décidément, le Moyen Age et les univers qui s’en inspirent ont le vent en poupe au MIP TV de cette année, le grand marché de la télé qui se tient à Cannes. C’est peut-être le succès de Harry Potter et autres Seigneur des anneaux, mais la mode est aux périodes obscures de notre histoire. Dans le genre, le grand événement, c’est bien sûr le nouveau téléfilm que France 2 diffusera à la rentrée de cette année. Les rois maudits, réalisés par Josée Dayan, réunissent un casting impressionnant jamais vu auparavant à la télévision: Jeanne Moreau, Philippe Torreton, Gérard, Julie et Guillaume Depardieu, Jean-Claude Brialy, Julie Gayet, Tcheky Karyo, Jérôme Anger, Jeanne Balibar, Line Renaud, Claude Rich… La liste est longue. Quant au récit, après avoir fasciné les foules dans les années 70, il revient sous la forme de cinq fois 90 minutes, pour passer en revue les treize générations de rois de France maudites par Jacques de Molay, le grand maître des Templiers.

On aura à nouveau l’occasion de suivre les aventures de Robert d’Artois (Philippe Torreton) qui se bat contre sa tante Mahaut (Jeanne Moreau) afin de récupérer les terres qui, selon ses dires, lui reviennent de droit. Le tout sur fond de malédiction, de traîtrise, d’empoisonnements, d’amour et de luttes de pouvoir. Une formule qui a déjà fait ses preuves et sera très probablement un très gros succès lors de sa diffusion.

Hier matin, au Noga Hilton de Cannes, sur la Croisette, l’ambiance était nerveuse. Tout le monde attendait avec impatience de pouvoir visionner le montage de 40 minutes résumant les cinq épisodes de la saga. Parmi les acteurs présents, Jeanne Moreau, Philippe Torreton, Julie Gayet et d’autres n’avaient pas encore vu la moindre image. Le tournage s’est terminé il y a juste un mois et demi et c’était l’occasion de voir un aperçu de ce que sera le résultat final. Les images, même montées en vitesse, avec un son non étalonné et une musique d’emprunt, donnent tout de suite envie de voir la suite et de se plonger dans la lecture du roman-fleuve de Maurice Druon. Les décors, créés spécialement pour le tournage, renforcent l’impression de tragédie et de solennité du récit.

Après la projection qui s’est terminée sous une salve nourrie d’applaudissements, tout le monde est venu féliciter Josée Dayan et son équipe, visiblement satisfaits du résultat. On apprend, au fil des discussions qui s’ensuivent lors du cocktail, que toute la troupe s’est merveilleusement bien entendue. Jeanne Moreau explique que ce tournage était l’une des plus belles aventures de sa vie, Philippe Torreton surenchérit en expliquant à quel point il est fier d’être dans cette production: «Ce n’est pas tous les jours qu’on a un texte de cette qualité et un casting de cette envergure! On ne m’avait jamais proposé un projet pareil et c’est exactement ce que j’attendais de la télévision. Sans cette télé, de tels sujets ne verraient jamais le jour, car cela demande trop d’argent».

Effectivement, vous ne serez pas nostalgiques de la version des années 70. Comme l’explique Josée Dayan: «Chaque époque a sa propre vision d’un récit. Les années 70 étaient plus douces. Cette vision des Rois maudits correspond à l’an 2000, avec toute sa violence et ses questionnements». Un téléfilm qu’on attend déjà avec beaucoup d’impatience…

Envoyée spéciale en France Valérie Sohie

© La Dernière Heure 2005 Source : La dernière heure

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Philippe Volter

Triste nouvelle trouvée sur Les gens du cinéma, – où on peut lire le portrait par Yvan Foucart – du suicide du comédien Philippe Volter. C’était un comédien, on se souvient de son personnage balloté par l’étrange dans « Simple mortel », le marionnetiste de « La double vie de Véronique », le prisonnier permissionnaire dans « Abracadabra ». Un acteur rare… L’homme semblait sensible, en témoigne un documentaire qui lui était consacré, diffusé sur TPS où il faisait part d’une inquiétude légitime sur une perte d’audition. Nos pensées vont à sa mère, Jacqueline Bir

Filmographie établie avec Yvan Foucart : 1984  De leeuw van Vlaanderen  / Le lion des Flandres (Hugo Claus) – 1986  Les roses de Matmata (José Pinheiro) – 1987  Le maître de musique (Gérard Corbiau) – Issue de secours (Thierry Michel, film expérimental) – Macbeth (Claude D’Anna) – 1988  Les bois noirs (Jacques Deray) – 5150 (Yannick Saillet, CM) – 1989  Cyrano de Bergerac (Jean-Paul Rappeneau) – Trois années (Fabrice Cazeneuve) – 1990  Sirènes (Harry Cleven, CM) – La double vie de Véronique (Krzysztof Kieslowski) – La passion Van Gogh (Samy Pavel) – Simple mortel (Pierre Jolivet) – 1991  Abracadabra (Harry Cleven) – 1992  Trois couleurs : Bleu (Krzysztof Kieslowski) – Basse tension (Yves Buclet, CM) – Aline (Carole Laganiere) – 1993  Le concert (Samy Brunett, CM) – L’affaire (Sergio Gobbi) – Dernier stade (Christian Zerbib) – 1996  The fives senses / Les cinq sens (Jeremy Podeswa) – 1997  La nuit du destin (Abdelkrim Bahloul) – 2002  Y gospod sleze da ni vidi / Posseteni ot gospod (Même Dieu est venu nous voir) (Peter Popzlatev) – 2003  Resistance (Todd Komarnicki) – 2004  Les gens honnêtes vivent en France (Bob Decout).

 

Pour info  : « LA LIBRE BELGIQUE »

Philippe Volter meurt à 45 ans

 

 

L’acteur belge s’est suicidé hier soir à Paris. Il était le fils du metteur en scène Claude Volter.À la fois sensible et énergique, il avait notamment été remarqué dans le mystérieux « La Double Vie de Véronique » de Krzysztof Kieslowski. Le comédien belge Philippe Volter, 45 ans, a mis fin à ses jours mercredi à Paris. Fils du metteur en scène Claude Volter et de la comédienne Jacqueline Bir, il avait notamment été remarqué dans « La Double vie de Véronique » de Krzysztof Kieslowski et « Le Maître de musique » de Gérard Corbiau. Né en 1959 en Belgique, Philippe Volter fait ses premiers pas sur les planches à l’âge de 4 ans. Après plusieurs grands rôles sur les scènes belges, il débute sa carrière cinématographique en 1985 dans une fresque de Hugo Claus, « De Leeuw van Vlanderen ». Il est ensuite remarqué dans « Le Maître de musique » (1988) de Gérard Corbiau où il interprète un jeune voyou qui apprend le chant auprès du baryton José Van Dam. Le comédien au physique de jeune premier mystérieux interprète ensuite en 1989 un rôle de mari violent aux côtés de Béatrice Dalle dans « Les Bois Noirs » de Jacques Deray, prestation qui lui vaudra une nomination pour le César du Meilleur espoir en 1990. Il décroche deux rôles importants dans « La Double vie de Véronique » (1991) et « Trois couleurs: Bleu » (1993) de Krzysztof Kieslowski. En 1991, il est également le héros de « Simple Mortel », audacieuse incursion de Pierre Jolivet dans la Sience-fiction. Si sa carrière se partage essentiellement entre la France et la Belgique, Philippe Volter tourne aussi sous la direction du Bulgare Petar Popzlatev dans « Même Dieu est venu nous voir » (2001) et du cinéaste d’origine algérienne Abdelkrim Bahloul dans « La Nuit du destin » (1997). A partir des années 90, Philippe Volter remonte régulièrement sur les planches. On le retrouve également souvent à la télévision, notamment dans « L’Affaire Dreyfus » (1995) et « Le Pantalon » (1997) d’Yves Boisset, ou « Madame Sans-Gêne » (2002) de Philippe de Broca. Son dernier rôle au cinéma, il l’interprète dans « Les Gens honnêtes vivent en France » de Bob Decout, sorti en France en mars dernier. Après le décès de son père en 2002, il avait pris la direction artistique de la comédie Claude Volter à Bruxelles aux côtés de l’actuel directeur, Michel de Warzée. Il avait démissioné de ce poste en juin 2004.

Philippe Volter, comme un météore par Philip Tirard

Mis en ligne le 15/04/2005
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Le comédien et metteur en scène belge a choisi de prendre congé de la vie à l’âge de 45 ans. Il se faisait une très haute idée de son métier d’artiste.

C’était le lundi 23 septembre 2002 au Théâtre du Parc, pour un hommage à Jacqueline Bir et à ses cinquante ans de carrière. Philippe Volter monta sur scène pour évoquer, avec humour et tendresse, cette mère hors norme. Son père, Claude Volter, était dans la salle, bien incapable de prendre la parole en public: il s’éteignit à peine huit semaines plus tard, à 69 ans.

Difficile de mieux répondre à la définition d’un enfant de la balle que Philippe Volter. «Je dormais dans le théâtre de mes parents, confiait-il dans une interview à «L’Humanité» en juillet 2003. S’ils avaient été bouchers, j’aurais dormi dans la boucherie…» A quatre ans, il descendait un grand escalier sur scène en tenant la main de sa mère. Bientôt son père lui confierait le rôle de Britannicus. Autant dire qu’il avait peu à apprendre au Conservatoire de Bruxelles dont il n’acheva pas le cycle complet. Un surdoué «Je me souviens de l’arrivée de Philippe Volter sur nos scènes comme de celle d’un météore», dit Jacques De Decker. Dans L’Ange couteau de Jean Sigrid, il était fabuleux face à Claude Etienne. Plus tard, nous avons travaillé ensemble. Il avait tout: le panache, l’élégance, la beauté, le lyrisme, l’agilité physique. Toutes qualités qui en firent aussi un remarquable d’Artagnan dans «Les Trois Mousquetaires», puis un mémorable Hamlet – qui lui vaudra l’Eve du meilleur comédien en 1985, NdlR -, dont il donnait le monologue Être ou ne pas être juché sur une galerie métallique au sommet de la Rotonde du Botanique. Il y eut encore son Treplev dans La Mouette de Tchekhov…» Ces trois spectacles étaient mis en scène par Daniel Scahaise, qui le dirigea aussi dans «La Nuit juste avant les forêts», le premier texte de Bernard-Marie Koltès monté en Belgique. «C’était un surdoué, confie un Scahaise inconsolable. Il s’investissait complètement dans ses rôles, au point d’en devenir parfois difficile à vivre. Il nourrissait la plus haute exigence à l’endroit de son art, pour lui-même comme pour les autres.» Prise de risques Promis à une confortable carrière d’acteur en Belgique, Philippe Volter est aussi lucide qu’ambitieux. Il comprend, à 25 ans, qu’il a déjà fait le tour de la question: il a joué au National, au Parc, au Rideau, aux Galeries, au Varia, à l’Ancre, etc. En 1985, il part pour Paris, pousse la porte du Conservatoire pour en repartir aussi sec, vit une vraie «galère» et finit par jouer dans le «Mariage de Figaro» de Beaumarchais mis en scène par Jean-Pierre Vincent. Cela lui vaut de décrocher le personnage de Jean Nilson face à José Van Dam dans «Le Maître de musique», le film de Gérard Corbiau qui va changer la face du cinéma belge. Il enchaîne les films: «Les Bois noirs» de Jacques Deray, avec Béatrice Dalle et Stéphane Freiss, puis «La Double Vie de Véronique» de Krzysztof Kieslowski avec Irène Jacob. Ses qualités de bretteur font merveille face à (la doublure de) Gérard Depardieu dans le «Cyrano de Bergerac» de Rappeneau. Au début des années 90, il paraît lancé dans une carrière cinématographique à succès. Mais les véhicules suivants ne s’avèrent pas à la mesure de ses espérances. Et puis, cet homme qui ignore le sens du mot compromis n’aime rien tant que prendre des risques… Il revient vers le théâtre, mettant en scène Jacqueline Bir dans «Master Class» de Terence McNally: le monde du chant et de l’opéra, encore et toujours. La dépression Au fil de la décennie, son physique se marque; mélomane, il souffre de troubles de l’ouïe. En 2003, après la mort de son père, il fait un fracassant retour au pays, prenant la direction de la Comédie Claude Volter aux côtés de Michel de Warzée. Un an plus tard, il démissionne, non sans avoir mis en scène un excellent «Misanthrope» de Molière. «Depuis plusieurs mois, il traversait une terrible dépression, confie son ami le comédien Yves Claessens. C’était un être exceptionnel, mais son extrême lucidité pouvait le mener à un auto-aveuglement. Il était extraordinairement chaleureux et fidèle en amitié. Sur un plateau, c’était un pur-sang, fragilité et d’excès compris.» Philippe Volter aura choisi sa fin, comme le loup solitaire qu’il était aussi. Victime de la dépression? Il n’a pas su trouver, en tout cas, la sortie du labyrinthe; sa part d’ombre a mangé toute sa lumière. Nos pensées vont à Jacqueline Bir qui vient de bouleverser la Belgique francophone pendant plusieurs mois avec son interprétation du petit garçon condamné par la leucémie dans «Oscar et la dame rose» d’Eric-Emmanuel Schmitt. Elle reprend en ce moment même «Le Récit de la servante Zerline» d’Hermann Broch, selon Jacques Franck, «le monologue le plus dur et le plus difficile de sa carrière». Terrible métier…© La Libre Belgique 2005 Source : La libre Belgique

 

 

Mis en ligne le 14/04/2005

Fragments d’un dictionnaire amoureux : François Toumarkine

François Toumarkine « soigné » par Jean-Pierre Mocky pour « Les ballets écarlates »

Je tente une nouvelle rubrique, sorte de laboratoire pour une série de portraits concernant des nouveaux « excentriques du cinéma français » selon l’expression heureuse d’Olivier Barrot et Raymond Chirat. Le titre « Fragments d’un dictionnaire amoureux » provient des « Cahiers du cinéma » à l’occasion d’un numéro spécial Acteurs.

François Toumarkine :

Ce Deschiens émérite fait souvent preuve de grandeur, de drôlerie, tout en pouvant changer de registre en une fraction de seconde. Outre les diffusions télévisées de ces programmes devenus cultissimes, il participe sur les planches aux spectacles de Jérôme Deschamps & Macha Makeïeff (« Les précieuses ridicules », « Le lapin chasseur », Molière du meilleur spectacle comique 1989). Il entre très vite dans le « Mocky circus » .  Dans l’un des ses premiers rôles, dans « Litan ou la cité des spectres verts », il amène un climat burlesque à un rôle particulièrement inquiétant de loubard au couteau, courant comme un dératé après Marie-José Nat. Il est aussi un clochard slave qui dissuade Michel Serrault de se suicider dans « Bonsoir » de Jean-Pierre Mocky. On l’imagine aisément transfuge d’un film des années 30, marqué par un certain « réalisme politique ». C’est l’humanité qui se dégage le plus dans son jeu, tel son personnage de Manu, un poil simplet dans « La discrète » aux côtés de Fabrice Luchini. Il est le souffre-douleur de Serge Riaboukine, un de ses rôles le plus touchant.  Il retrouve Luchini, dans « Jean-Philippe » en 2006, où il campe un clochard compatissant, qui réconforte le personnage de Fabrice, bouleversé de se retrouver dans une dimension fantastique. Ce dernier est d’ailleurs trop pris par son problème, pour être en empathie avec la misère de son compagnon d’infortune. Dans le supplément DVD de « Grégoire Moulin contre l’humanité » (film à réévaluer absolument), il est un badaud toisant Artus de Penguern, déguisé en Adolf Hitler. Il reconnaît son personnage en le prenant pour une vague célébrité TV, suit un dialogue de sourd surréaliste.

Il est à l’aise dans la drôlerie ou le picaresque (« Saint-Germain ou la négociation »), il devient l’instrument tragique du destin en frère de Line Renaud dans le superbe « Suzie Berton » en doux dingue qui ne vit que pour les sorties avec sa sœur pour aller voir les films de « Bruce Lee », un rôle proche du personnage de Radek du roman de Georges Simenon « La tête d’un homme ». En 2004, on le retrouve digne du cinéma expressionniste muet allemand dans « Rois et reine » où dans le rôle d’un infirmier nommé « Prospero » il forme un tandem étonnant avec son comparse au patronyme shakespearien également : Caliban, joué par Miglen Mirtchev, ce qui semble présager une  » tempête sous crâne », alors qu’ils viennent chercher Mathieu Amalric, en vue de l’hospitaliser dans un asile psychiatrique. Il est censé rassurer son patient, mais en une fraction de secondes, son regard halluciné développe une hystérie inattendue. Blessé par Amalric, il fulmine dans son coin, refusant de lui prêter son portable, pour finalement assister à une séance d’enregistrement avec un regard protecteur. S’il impressionne par sa haute stature, 1m84, il se révèle souvent touchant. C’est l’exemple typique du comédien, qui fait « mouche » à la moindre des ses apparitions. Il est irrésistible dans « Les ambitieux » de Catherine Corsini, quand il défonce la porte de toilettes, où se retrouve enfermé Éric Caravaca, pris de panique en raison de sa claustrophobie. Il faut voir Toumarkine s’acquitter de cette tâche en râlant, tout en disant « ce n’est pas parce que je suis gros, que je suis Ben Hur !… » Il reste fidèle à l’univers Mockyien, des « Ballets écarlates » où il compose un père immonde qui vend son fils à un pédophile à la série « Myster Mocky présente » à la télévision sur « 13ème rue ». Dans « Tellement proches » il est l’archétype du voisin hargneux dérangé par une fête juive, mais le bougre finit tout de même par s’humaniser et y participer. François Toumarkine est un des comédiens français les plus attachants.

Filmographie : 1981  Litan, la cité des spectres verts (Jean-Pierre Mocky) – Elle voit des nains partout (Jean-Claude Sussfeld) – 1982  Le polar (Jacques Bral) – Le petite bande (Michel Deville)  –  À mort l’arbitre (Jean-Pierre Mocky) – 1985  Le pactole (Jean-Pierre Mocky) – La machine à découdre (Jean-Pierre Mocky) – 1986  Lévy et Goliath (Gérard Oury) – 1987  Vent de panique (Bernard Stora) – Meutres (+ réalisation, CM) –  1988  Le crime d’Antoine (Marc Rivière) – Une nuit à l’assemblée nationale (Jean-Pierre Mocky) – Drôle d’endroit pour une rencontre (François Dupeyron) –  Un père et passe (Sébastien Grall) –  1989  J’aurais jamais dû croiser son regard (Jean-Marc Longval) –  1990  La discrète (Christian Vincent) – Toto le héros (Jaco Van Dormael) – 1991  Cauchemar blanc (Mathieu Kassovitz, CM) – Mocky Story (Jean-Pierre Mocky) –  1992  Un été sans histoires (Philippe Harel, moyen-métrage) – Métisse (Mathieu Kassovitz) –  Zoé la boxeuse (Karim Dridi, CM) – Carlota (Joseph Morder, CM) – Le mari de Léon (Jean-Pierre Mocky) – Cible émouvante (Pierre Salvadori) – 1993  La vengeance d’une blonde (Jeannot Szwarc) – Loin des barbares (Liria Bégeja) – Le péril jeune (Cédric Klapisch) – Dressing room (Jean-Pierre Pozzi, CM) –  Regarde les hommes tomber (Jacques Audiard) –  1994  La haine (Peter Kassovitz) –  1995  Black Dju, vos papiers (Pol Cruchten) –  Le cri de la soie (Yvon Marciano) –  Paul et Virginie ou la clef du paradis (Maurice Cora Arama, CM)  –  Hercule et Sherlock (Jeannot Szwarc) –  La belle verte (Coline Serreau) – Le nez au vent / La nuit des cerfs-volants (Dominique Guerrier, CM) – 1996  Demain, dès l’aube (Stéphane Subiela, CM) – 1997  La mort du chinois (Jean-Louis Benoît) –  2000  Grégoire Moulin contre l’humanité (Artus de Penguern) – 2001  Sexy boy (Stéphane Kanzandjian) – Les araignées de la nuit (Jean-Pierre Mocky) – Monsieur Ibrahim et les fleurs du coran (François Dupeyron) – 2003  Conflit de canards (Paul Saintillan,court-métrage) –  2004  Rois et reine (Arnaud Desplechin) – Les amants réguliers (Philippe Garrel) – Touristes ? oh yes ! (Jean-Pierre Mocky) – Les ballets écarlates (Jean-Pierre Mocky) – Grabuge (Jean-Pierre Mocky) 2005  Cauchemar du promeneur solitaire (Paul Saintillan, CM) – Ces jours heureux (Éric Tolédano & Olivier Nakache) – Jean Philippe (Laurent Tuel) – 2006  Les ambitieux (Catherine Corsini) – Molière (Laurent Tirard) – 2007  Le perroquet bleu (Jacques Rozier, inédit) – 2008  Ich Bombe (David Klein, CM) – Tellement proches (Éric Toledano & Olivier Nakache) – Rumeurs, commérages, on dit que (Ingrid Lanzenberg, CM) – Bas-fonds (Isild Le Besco) – 2009  Célulloïd gangster (Hugo Pivois, CM) – Une semaine sur deux (et la moité des vacances scolaires) (Ivan Calderac) – 2010  Crédit pour tous (Jean-Pierre Mocky) – 2012  Le dernier rôle de Jacques Serres (Francois Goetghebeur et Nicolas Lebrun, CM).

Voxographie  : 2008  La véritable histoire du chat botté (Pascal Hérold, Jérôme Deschamps & Macha Makeïeff).

Télévision (notamment) : 1992  L’affaire Deschamps (Philippe Lallemant, documentaire) – 1994  Ferbac : Le carnaval des ténèbres (Sylvain Madigan) – 1995  Julie Lescaut : Recours en grâce (Joyce Buñuel) – 1996  Les cinq dernières minutes : Le quincailler amoureux (Jean Marboeuf) – 1997  Entre terre et mer (Hervé Baslé) – 1998  Marie Fransson : Un silence si lourd (Jean-Pierre Prévost) – 1999  P.J : Tango (Gérard Vergez) – Marie Fransson : Positif (Jean-Pierre Vergne) – 2000  Marie Fransson : S’il vous plaît (Christian Spiero) – Un flic nommé Lecoeur : Dans le béton (Alain Tasma) – 2001  Marie Fransson : Bonne chance, maman (Christiane Spiero) – 2003  Saint Germain ou la négociation (Gérard Corbiau) – 2004  Suzie Berton (Bernard Stora) – 2005  Allons petits enfants (Thierry Binisti) – La légende vraie de la Tour Eiffel (Simon Brook) – 2007  Rendez-moi justice (Denys Granier-Deferre) – Myster Mocky présente : Cellule insonorisée (Jean-Pierre Mocky) – 2009  Les petits meurtres d’Agatha Christie : Les meutres ABC (Éric Woreth) – Kaamelott – Livre VI (Alexandre Astier) – Le Bruno Vaigasse show (Gaël Malry) – Au siècle de Maupassant – Contes et nouvelles du XIXème siècle : L’affaire Blaireau (Jacques Santamaria) – Colère (Jean-Pierre Mocky) – 2012  La croisière : Les bons parents (Pascal Lahmani).

LE COIN DU NANAR : MILLIONNAIRES D’UN JOUR

Affiche provenant de Les gens du cinéma

« Millionnaires d’un jour » (André Hunebelle, 1949), est un film à sketches, bien avant la mode des années 60 (J’avais complété le générique pour IMDB). Un journaliste lunaire, joué par Bernard Lajarrige, transforme la vie de plusieurs personnes, en publiant de faux résultats de la loterie nationale, aveuglé par son amour d’une jeune journaliste. Le film vaut surtout par ses interprètes. Outre les vedettes Gaby Morlay, Pierre Brasseur ou Ginette Leclerc, on retrouve une belle galerie  » d’excentriques  » selon l’expression de Raymond Chirat & Olivier Barrot. De Pierre Larquey facétieux doyen des Français, faisant tourner en bourrique André Gabriello, maire voulant profiter de l’opportunité de sa longévité pour lancer une station thermale (idée reprise par René Clair pour tout l’or du monde), Yves Deniaud en truculent clochard, Madeleine Barbulée en infirmière vieille fille mais dévouée, André Valmy en truand fataliste, Jacques Baumer, en président du tribunal dépassé par les évènements ou Paul Demange en collègue encombrant.  La grande surprise reste la prestation de Louis de Funès en avocat, qui reste coi (une première et une dernière), son client (Lajarrige) assurant sa défense tout seul…

LE COIN DU NANAR : LA SITUATION EST GRAVE MAIS… PAS DÉSESPÉRÉE

Affiche du film provenant de Les gens du cinéma

Et l’on s’attend à un nanar d’anthologie, une captation d’une pièce de Pierre Germont digne d' »Au théâtre ce soir » (nostalge, nostalge), des dialogues de Jean Amadou ! une musique de Guy Mardel !! (« N’avoue jamais, jamais, jamais…). Jacques Besnard s’evertue à aérer la pièce (les vitrines de Noël des Galeries Lafayette), une motarde-cascadeuse-doublure diminue de moitié à l’entrée du château pour laisser place à Maria Pacôme.

La situation est vaudevillesque (un affairiste, une veuve (enfin plus ou moins), un ministre, un malfaiteur… et les inévitables placards. Le réalisateur découpe la peloche à la hache, sans inventivité. Reste les acteurs, il y a Michel Serrault, qui d’un sérieux papal pousse les cris hystériques de « Zaza Napoli », il fait preuve de brio, laissant à des coudées derrières ses petits camarades (Maria Pacôme et Jean Lefebvre). Restent quelques seconds rôles, un « excentrique » Henri Guisol, dans le rôle du papy, Cécile Vassort en soubrette émotive (elle était plus touchante dans les films de Charles Matton), Jean Puyberneau en valet goguenard, le petit fantasme de notre adolescence (enfin pour ma pomme) Catherine Serre en secrétaire nunuche, Henri Czarniak en malfrat (une trogne), Gabriel Cattand en pseudo fantôme et en prime Daniel Prévost, allumé en inspecteur d’une police arrosante qu’il ne vaut mieux pas croiser dans un bois. Ca lambine pas mal, on décroche souvent, mais on a toujours plaisir à retrouver ces zigues, c’est souvent moins le cas dans nos comédies comptemporaines… Et Michel Serrault faisait « ses gammes », laissant deviner l’explosion de son talent dans les années à venir. A lui seul, il vaut le déplacement…

UN DANS TES REVES PEUT UN EN CACHER UN AUTRE

Les a priori ont la peau lourde. Étant trentenaire finissant, je ne devais pas être le coeur de cible de « Dans tes rêves », le film de Denys Thybaud. Je l’ai vu cependant le film en avant-première le 24 mars dernier.

C’est un film très plaisant, évitant certains clichés que l’on pouvait presumer à la vision de la bande-annonce. Il y a une bonne réflexion à l’image du photographe qui demande à Ixe de faire « Yo » et ce dernier reste digne et de la chanson « Je suis le singe, vous êtes le zoo ».

Il y a un effour louable sur la distribution, de Sérigne M’Baye (Disiz) et sa bande, Alex Descas et Béatrice Dalle transfuges de Claire Denis, Vincent Elbaz qui joue de son image comme le faisait un Vittorio Gassman, Simon Abkarian déléctable, en gros bras se lissant les moustaches avec un couteau, Firmine Richard en mère dépassée, Jean-Pierre Cassel en caïd vieillissant…

Sérigne M’Baye alias Disiz La Peste a une présence, une gravité, une sensibilité. Venu présenté, avec Denis Thybaud, Edouard Montoute et Adrien Saint-Joré (ce dernier avait presque plus de fans que les trois autres réunis), avait une attention pour tout le monde, une écoute, une disponibilité, un sacré capital de symphatie…

Quand on voit Édouard Montoute en promotion – l’ayant vu déjà sur « Nos amis les flics » -, ce qui frappe le plus c’est son côté boute-en-train, jouant constamment avec le public… il est drôle et efficace, et commence à fendiller l’armure de son image de macho rigolard dans son personnage de manager-coiffeur.

Et il y a la sublime Sara Martins – là je dois confesser un sérieux béguin pour elle depuis l’avant-première de « Les amateurs » – .  C’était un bonheur de l’écouter parler sur « Limelight » de Chaplin ou de sa rencontre avec Michel Bouquet, son talent ne devrait pas se résumer à des rôles aussi brefs. Heureusement, elle semble s’épanouir au théâtre.

Mentionnons aussi Tony Mpoudja qui casse la barraque dans le rôle de « Gun » (c’est un rôle de composition, ce comédien découvert dans « La squale » n’est pas un rappeur). Malgré les maladresses et les effets clipesques, ce film reste plaisant. Ne boudons pas notre plaisir !

A lire une analyse intéressante sur  : Allôciné rappelant la genése du film, corroborée par les intervenants lors de cette avant-première, le scénario originel d’Oxmo Puccino ayant été confié à Denys Thibaud, car la contreverse est certaine.

Blandine Lenoir, Nanou Garcia et Lila Redouane

Il y a un autre « Dans des rêves », c’est un court tourné en 2003, et diffusé actuellement sur le câble (CinéCinéma Auteurs). En 17 minute, réalisé par Blandine Lenoir, et avec un budget beaucoup moins conséquent que le long homonyme. Ce court narre la pause de trois employées d’un restaurant.

L’une Monette (formidable Nanou Garcia) voit le bon côté des choses, éternelle optimiste, remontant le moral de ses deux collègues (Blandine Lenoir et Lila Redouane), qui agacées restent plus perplexe, en attendant l’arrivée du mari de Nanou (Frédéric Pierreux), homme taiseux et discret. Cet exercice de style ciselé est un pur moment de bonheur. La caméra légère a privilégié le jeux des comédiens. Souhaitons, vivement à Blandine Lenoir un long-métrage.

Le lien du jour :

Vous avez du mal avec le causer moche de ce blog, voyez : Dicomoche

Bernard Blier offrait un bouquet de fleur à sa mère le jour de son propre anniversaire, bon anniversaire à Arnaud et Rémi et leurs parents Philippe (grand cinéphile devant l’Éternel) et Véronique…

LE DVD QUI REND INTELLIGENT

Serge Daney (1944-1992)

C’était un critique de cinéma certes intransigeant mais passionnant, initiateur de la revue « Trafic ».

« L’intérêt du travail critique de Serge Daney, dont l’influence en France a été déterminante, est d’avoir réussi à lier le cinéma au monde comptemporain grâce aux métaphores qui peuplent son écriture : chaque film sous sa plume, pouvait éclairer une manière de penser la réalité politique, médiatique, philosophique, quotidienne de notre temps… »
« La critique de cinéma en France » (Ramsay cinéma, 1997).

J’avais un souvenir très marquant de « Serge Daney, itinéraire d’un cinéfils », lors de sa diffusion sur feu FR3-Océaniques en 1992. Il était interrogé par Régis Debray, qui avait eu l’intelligence de s’effacer devant la parole donnée. J’ai eu la surprise combien sa parole m’a durablement marqué à l’époque (Il y avait également à cette époque, des entretiens avec Noël Simsolo sur France Culture). Une manière d’analyser sa cinéphilie (l’absence du père remplacée par les pères cinéastes ?).

Cette émission existe désormais en DVD aux Éditions Montparnasse. Lien : Éditions Montparnasse

 

C’est passionnant, Serge Daney, fait oeuvre de passeur (selon sa propre formule), sentant sa mort très proche. Il est émacié, des lunettes mangent son visage, mais très vite on oublie son état de santé pour écouter sa voix. Son regard sur son parcours de cinéphile est juste, sa parole ne se voulant pas élitiste. Sa lucidité, ses analyses sur la nouvelle vague, la « qualité France », sa visite aux pionniers hollywoodiens, ses critiques dans « Les cahiers du cinéma » et « Libération », la télévision – l’amorce de la « télé réalité » que l’on nommait alors « reality show » – , est éblouissante. Il est seul présent à l’image, on suit sa parole sans décrocher un seul instant, Son regard sur notre monde comptemporain nous manque… Un DVD à voir absolument…

Parmi les livres écrits par Serge Daney, pour approcher son oeuvre, on peut débuter par le ludique « Devant la recrudescence des vols de sacs à main » (1991) et le recueil de ses articles « La maison cinéma et le monde » (Éditions P.O.L. Trafic, 2001) deux volumes parus pour l’instant.

Article dans Libération :

Ça reste à voir
La voix Daney, par Olivier Séguret, mercredi 27/04/2005


 

Le cinéma est un miroir qui reflète autant qu’il donne à réfléchir. Penser le cinéma, produire de la réflexion à sa périphérie, publier à son propos des études critiques, des monographies, des albums savants, tout cela fait depuis longtemps partie d’une certaine tradition intellectuelle française qui va de soi. Depuis au moins André Bazin, le cinéma a gagné bon nombre de ses quartiers de noblesse dans cet hommage que les élites intellectuelles lui ont rendu par le simple fait d’y reconnaître un objet de réflexion valable. Une telle tradition a nécessairement produit le pire et le meilleur, mais la critique contemporaine est sans doute la plus mal placée pour arbitrer ce match : en aurions-nous les moyens, il faudrait encore rester neutres… En revanche, ce que l’on peut facilement observer, c’est la tendance, la forme, pour ne pas dire l’emballage, par lesquels la réflexion sur le cinéma se développe ces temps-ci. Résumé possible des événements : le cinéma est une machine à philosopher. Ce que l’on voit se dessiner clairement dans l’actualité éditoriale des derniers mois, c’est une sorte de conjuration philosophique prenant d’assaut les forteresses du cinéma. Parmi les assiégeants les plus frappants, on distingue deux camps. L’un affiche des résolutions amicales : un numéro spécial de la revue Critique, justement baptisé «Cinéphilosophie», avec des textes parfois stimulants de Badiou, Bullot, Laugier, et un fort bel entretien avec Jacques Rancière. L’autre bombarde férocement, mais philosophiquement, une «trouvaille de foire» responsable du nihilisme mondial : c’est le désormais fameux pamphlet de Stéphane Zagdanski, la Mort dans l’oeil (Libération du 13 janvier). Entre ces deux pôles, les revues ad hoc (Simulacres, Cinéma, Trafic, Cinergon…) maintiennent elles aussi le rythme d’une cogitation soutenue, où la cinéphilie est le relais de réflexions qui, naturellement, la débordent. Le cinéma ayant lui-même vocation et prétention à parler de tout, à être un miroir complet du monde, il est normal qu’il puisse servir en retour de tremplin conceptuel vers l’infini des problématiques humaines. On pourra notamment trouver un bon exemple d’extrapolation philo-poétique avec le texte de Jean-Baptiste Thoret publié dans le numéro que les Cahiers de l’Herne consacrent à Baudrillard : «Seventies Reloaded», théorisation astucieuse autour de l’idée de remake. Parallèle à cette foison littéraire, la sortie DVD des entretiens donnés par Serge Daney dans Itinéraires d’un Ciné-Fils (1) ne peut être tout à fait un hasard : beaucoup des gens qui font profession de philosopher et d’écrire autour du cinéma ont appris à penser le cinéma en lisant ou en écoutant Daney. Et, plus de dix ans après sa disparition, il reste encore le dernier grand nom en date pour ce qui est de l’influence critique et cinéphile. Mais quel écho en perçoit-on ? L’écart entre la pensée d’un Daney et celle des théoriciens actuels ne tient pas dans la teneur des idées proposées. C’est l’écart qui sépare une voix d’un discours. La plume de Daney, comme sa pensée, c’était avant tout une voix. La réflexion ciné contemporaine elle, académique ou pas, n’échappe qu’exceptionnellement à l’ordre du discours. Autodidacte, Daney n’a d’ailleurs jamais prétendu à une vérité universitaire ni scientifique de la critique. Il n’a pas de remplaçant, mais son legs est à la disposition de tous : une voix nous parle plus près et plus longtemps qu’une idée.

(1) Editions Montparnasse (avec un prologue inédit : la Carte du monde est une promesse), 25 €.

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Pierre Trabaud

 

Affiche provenenant de Les gens du cinéma

 

L’excellent site « La gazette du doublage » annonce l’hommage à Pierre Trabaud, la SACD et le Cinéma des cinéaste à Paris organisent la projection de son film « Le Voleur de feuilles » le 18 avril prochain. C’est l’occasion pour évoquer sa disparition le 26 février dernier.

Il avait réalisé un film « Le voleur de feuilles » lorgnant sur un certain « réalisme poétique » et donnant des rôles à ses potes du doublage…et son meilleur rôle à Jean-Pierre Castaldi, provincial qui venait de tuer sa femme (temps lointain où ce comédien ne tentait pas de voler le statut de « honte de la famille » à son fils Benjamin en pataugeant dans la gadoue TF1). Je l’avais vu dans les années 80, il me reste un souvenir d’un film attachant. On le voyait surtout dans les années 50, chez Jacques Becker et Léo Joannon – le cornichonesque « Défroqué » -, notamment, il était l’instituteur de la « guerre des boutons ». Bertrand Tavernier l’avait utilisé également tel le père de Francis (François Cluzet) dans « Autour de minuit » (1985) et le profiteur de « La vie et rien d’autre » (1988). Une anecdote aide à comprendre son absence sur les écrans ces dernières années, dans la série « Julien Fontanes », l’épisode « La dernière haie », Pierre Trabaud à la suite d’un différend avec TF1, a refusé que son nom figure au générique. (« Meutres en séries, par Jacques Baudou et Jean-Jacques Schleret,  Éditions 8ème art, 1990). Bibliographie : « Le dictionnaire des cmédiens français disparus » par Yvan Foucart, « Pierre Trabaud, comédien et homme-orchestre du doublage », par Thomas Sotinel (Le Monde du 05.03.2005).

A lire également un forum sur les doublages de Pierre Trabaud : La gazette du doublage. Un site lui est consacré « Pierrot et ses amis » où il est possible de commander le DVD de « Le voleur de feuilles ».

Filmographie : 1943  Lucrèce (Léo Joannon) – 1945  Le jugement dernier (René Chanas) – 1946  Antoine et Antoinette (Jacques Becker) – Ouvert pour cause d’inventaire (d’Alain Resnais, film amateur) – 1947  La fleur de l’âge (Marcel Carné, inachevé) – 1948  Manon (Henri-Georges Clouzot) – 1949  Lady Paname (Henri Jeanson) – Rendez-vous de juillet (Jacques Becker) – 1950  Sans laisser d’adresse (Jean-Paul Le Chanois) – 1952  Horizons sans fin (Jean Dréville) – Horizon (CM) – 1953  Le défroqué (Léo Joannon) – 1954  Les chiffonniers d’Emmaüs (Robert Darène) – Le petit nuage / La chasse au nuage / Le nuage atomique (Antoine Allard, Armand Bachelier & Charles Dekeukeleire) – 1955  Les indiscrètes (Raoul André) – 1956  Ah ! quelle équipe (Roland Quignon) – 1957  Le désert de Pigalle (Léo Joannon) – La finestra sul Luna Park (Tu es mon fils) (Luigi Comencini) – 1958  Ce soir on tue / Y en a marre / Le gars d’Anvers (Yvan Govar) – 1959  Normandie-Niemen (Jean Dréville & Damir Viatich Berejnykh) – 1961  La guerre des boutons (Yves Robert) – 1983  Le voleur de feuilles (+, scénario et réalisation) – 1985  Round midnight (Autour de minuit) (Bertrand Tavernier) – 1988  La vie et rien d’autre, de Bertrand Tavernier). Voxographie succincte : 1948  Alice in wonderland (Alice au pays des merveilles) (Lou Bunin, Dallas Bower & Marc Maurette) – 1964  Le gendarme de Saint-Tropez (Jean Girault, doublage) – 1967  Astérix le gaulois, dessin animé (René Goscinny, Albert Uderzo & Raymond Leblanc, animation) – 1968  Astérix et Cléopâtre( René Goscinny & Albert Uderzo, animation) – 1970  Lucky Luke (René Goscinny & Morris) – 1975  Tarzoon, la honte de la jungle (Picha & Boris Szulzinger) – 1977  La ballade des Dalton (René Goscinny, Morris, Henri Gruel & Pierre Watrin) – 1983  Lucky Luke, les Dalton en cavale (Les Dalton en cavale) (Joseph Barbera, William Hanna, Morris & Ray Patterson, animation). Télévision (notamment) : 1951  Jeanne avec vous (Claude Vermorel) – 1954  Le square des miracles (Jean-Jacques Vierne) – 1956  Sixième étage (Marcel Bluwal) -1964  Les oranges (Bernard-Roland) – 1966  Le parce (Bernard-Roland) – 1968  Polizeifunk ruft (Les cavaliers de la route) : Fahrerflucht im Morgengrauen / Délit de fuite (Paul Paviot & Hermann Leitner) – Un homme, un cheval (Jean-Pierre Marchand) – 1970  En attendant (Christiane Lénier) – 1972  Légion (Philippe Joulia) – 1973  La trêve (Philippe Joulia) – 1975  Amigo (Philippe Joulia) – Le tour du monde en 80 jours (Pierre Nivollet) – 1978  La filière (Guy-André Lefranc) – Le coup monté (Jean Cosmos) – 1979  Les yeux bleus (François Dupont-Midy) – 1981  Julien Fontanes : La dernière haie (François Dupont-Midy) – 2005  Carnet de naufrage (Claudine Bourbigot & Elisabeth Feytit, documentaire).

Mise à jour le 15/02/2011

Le lien du jour : La gazette du doublage est un site fourmillant d’infos, consacré aux comédiens du doublage. Il faut saluer la qualité rare des intervenants sur le forum.

MON PETIT DOIGT M’A DIT…

Excellente surprise que de découvrir ce film ce mardi soir en avant-première à Bordeaux. Pascal Thomas a trouvé une équivalence ludique dans la province française pour restituer l’atmosphère anglaise – Au contraire d’un Alain Resnais se servant du studio pour « Smoking-No Smoking » -… Loin des clichés « tasses de thé ». Saluons également la musique de Reinhardt Wagner. C’était plaisant d’entendre Pascal Thomas narrer la rencontre avec la fille Agatha Christie – à l’époque du film « Celles qu’on n’a pas eues » -, il obtient les droits après une soirée arrosée, chagrinant les « hommes en noir » chargés des droits des adaptations et préférant les réserver à Hollywood ! Il vaut mieux ne rien déflorer du film.

Disons qu’avec ces dialogues ciselés, sa distribution étonnante (des habitués : Catherine Frot, Maurice Risch en peintre inquiet, André Thorent en curé poivrot, Anne Le Ny déguisée en fée Carabosse…) et les autres (beaucoup de surprises, tel Pierre Lescure, dans le rôle inattendu du « commissaire », il a été choisi grâce à son timbre de voix).

Valérie Kaprisky, Catherine Frot et André Thorent

– Geneviève Bujold apporte la dimension fantastique du film, aidée par nos souvenirs de cinéphiles chez Brian de Palma ou David Cronenberg. Elle s’isolait fréquemment du reste de l’équipe.

– Laurent Terzieff, surnommé par Prudence « Le Gréco » amène une inquiétante présence.

– Sarah Biasini joue la fille des Beresford. Son arrivée inopinée avec son suisse de mari et ses deux jumeaux, poussera Prudence a faire son enquête (moment désopilant).

– Bernard Verley joue un général accorte et omniprésent.

– Alexandra Stewart est une sculptrice extra-lucide énergique.

– La trop rare Françoise Seigner est la tante acariâtre.

– Valérie Kaprisky joue une vieille fille inquiétante. Pour la petite histoire, elle venait de se casser le bras.

Catherine Frot & André Dussollier

C’est la force de Pascal Thomas d’intégrer diverses personnalités à son univers (souvent des amateurs). IL laisse s’installer l’insolite avec des références actuelles (la canicule, les portables) et c’est jubilatoire. L’insolite d’ailleurs continuait après le film, un fan faisant signer un autographe à Pascal Thomas sur un chéquier !

André Dussollier a magnifiquement parlé de son travail. Suite à une de mes question, lors du débat d’après film, il a évoquait son travail dans le téléfilm de qualité non formaté, « Suzie Berton » et revient sur l’anecdote du film de François Truffaut, « Une belle fille comme moi » où il continuait à répéter ses scènes déjà tournées. Il y a toujours chez lui une exigence, un travail sur sa voix et les situations, c’est un des plus grands acteurs français. Ce film est un beau rendez-vous, réalisé au pied levé suite à l’abandon de TF1 pour un projet avec Vincent Lindon.

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Blanchette Brunoy

Blanchette Brunoy dans « Les cadets de Gascogne », source Bernard-Luc.com 

C’est une triste nouvelle que celle de la mort de Blanchette Brunoy. C’était une comédienne rare, d’une grande discrétion et touchante, souvent dans des rôles d’ingénues ou d’épouses aimantes. Elle avait beaucoup de très bons films à son actif – « La bête humaine », « Goupi mains rouges » – et elle faisait tourner les têtes de Daniel Gélin et Jean Carmet dans « Roulez jeunesse » (1992).

Dans l’excellent livre « Le cinéma des années quarante par ceux qui l’on fait » de Christian Gilles (L’Harmattan, 2000), elle déclarait : « J’ai eu la grande chance de connaître les joies de ce métier sans en avoir les inconvénients, c’est-à dire que j’ai évité la trop grosse notoriété qui fait tourner les têtes »…

Filmographie : 1936  La peau d’un autre (René Pujol) – Un mauvais garçon (Jean Boyer) – Le voleur de femmes (Abel Gance) – Vous n’avez rien à déclarer ? (Léo Joannon) – 1937  La chaste Suzanne (André Berthomieu) – Claudine à l’école (Serge de Poligny) – 1938  Altitude 3200 (Jean-Benoît Lévy & Marie Epstein) – La bête humaine (Jean Renoir) – Jeannette Bourgogne (Jean Gourguet) – 1939  Cavalcade d’amour (Raymond Bernard) – La famille Duraton (Christian Stengel) – Quartier Latin (Pierre Colombier, Christian Chamborant & Alexandre Esway) – L’empreinte du dieu (Léonide Moguy) – 1940  Elles étaient douze femmes (Georges Lacombe) – 24 heures de perm’ (Maurice Cloche) – 1941  Le briseur de chaînes / Mamouret (Jacques Daniel-Norman) – Dernière aventure (Robert Péguy) – Vie privée (Walter Kapps) – 1942  Les cadets de l’océan (Jean Dréville) – Le camion blanc (Léo Joannon) – Le grand combat (Bernard-Roland) – Goupi Mains-Rouges (Jacques Becker) – 1943  Ceux du rivage (Jacques Séverac) – Le voyageur sans bagages (Jean Anouilh) – Au bonheur des dames (André Cayatte) – 1945  Rabiolot (Jacques Daroy) – L’invité de la onzième heure (Maurice Cloche) – Solita de Cordoue (Willy Rozier) – 1946  Le café du cadran (Jean Gehret) – La taverne du poisson couronné (René Chanas) – L’ogresse (film inachevé) – L’Altra (ymphonie humaine) (Carlo Ludovico Bragaglia) – 1947  Le mannequin assassiné (Pierre de Hérain) – 1948  Les drames du Bois de Boulogne (Jacques Loew, CM) – Les souvenirs ne sont pas à vendre (Robert Hennion) – La maternelle (Henri Diamant-Berger) – 1949  Vedettes en liberté (Jacques Guillon, CM) – L’homme aux mains d’argile (Léon Mathot) – La Marie du port (Marcel Carné) – Vient de paraître (Jacques Houssin) – 1950  Traité de bave et d’éternité (Isidore Isou) – Désordre (Jacques Baratier, CM) – 1951  Le passage de Vénus (Maurice Gleize) – Une enfant dans la tourmente (Jean Gourguet) – Si ça vous chante (Jacques Loew) – 1952  Coiffeur pour dames (Jean Boyer) – Le secret d’une mère (Jean Gourguet) – 1953  Le petit Jacques (Robert Bibal) – Tourments (Jacques Daniel-Norman) – La rafle est pour ce soir [sketch « Le papa de Simon »] (Maurice Dekobra) – 1954  Opération Tonnerre (Gérard Sandoz) – 1956  Omloop van middernacht (Le circuit de minuit) (Yvan Govar) – 1959  La mère et l’enfant (Jacques Demy, CM, voix de la récitante) – Le baron de l’écluse (Jean Delannoy) – 1960  Il suffit d’aimer (Robert Darène) – 1962  Les veinards [sketch : « Le gros lot »] (Jack Pinoteau) – 1963  La vie conjugale (André Cayatte) – Bébert et l’omnibus (Yves Robert) – La bonne soupe (Robert Thomas) – 1964  L’enfer (Henri-Georges Clouzot, inachevé) – 1984  L’amour en douce (Édouard Molinaro) – 1992  Roulez jeunesse ! (Jacques Fansten) – 1994  Les cent et une nuit (Agnès Varda, scènes coupées au montage) – 1997 …Comme elle respire (Pierre Salvadori). Télévision (notamment) :  1961  La farce du château (François Gir) – 1978  Les Eygletière (René Lucot, série) – 1979  Les filles d’Adam (Éric Le Hung) – 1980  La vie des autres : Le bec de l’aigle (Pierre Nicolas) – Les amours des années folles : Les solitaires de Myols (Stéphane Bertin) – 1981  Marceloup (Roger Pigaut, série) – 1982  Toutes griffes dehors (Michel Boisrond, série) – 1984  Les amours des années cinquante : Ton pays sera le mien (Stéphane Bertin) – 1986  Le petit docteur : Une femme a crié (Éruc Le Hung) – 1987  La voglia di vincere (Vittorio Sindoni, série) – 1989  Tantie (Patrick Gandrey-Réty, série) – Un comédien dans un jeu de quilles (Hervé Baslé) – 1990  Scoop :  Le stagiaire (Jacques Rouffio) – 1991  Julie Lescaut : Pilote (Caroline Huppert) – 1992  Julie Lescaut : Police des viols (Caroline Huppert) – Julie Lescaut : Harcèlements (Caroline Huppert) – Julie Lescaut : Trafics (Josée Dayan) – Julie Lescaut : Ville haute, ville basse (Caroline Huppert) – La corruptrice (Bernard Stora).

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