Dans « Édouard est marrant » formidable court-métrage de Riton Liebman – L’enfant précoce du film de Bertrand Blier « Préparez vos mouchoirs ! » -, Maxime (Riton Liebman) est agacé par sa femme (Maryne Canto) qui trouve Édouard Baer irrésisitible. Il finira par le rencontrer et en plus par le trouver sympathique. Avant-première donc, de son nouveau film « Akoibon » à l’UGC Cité-Ciné à Bordeaux, ce jeudi 7 mai en présence d’Édouard Baer, Nader Boussandel et le local de l’étape Patrick Robine (il est né à Villenave d’Ornon en Gironde). Le film est un monde en lui-même, Nader, un jeune débrouillard arrive à la Villa Mektoub, sur une île de la Méditerranée. Pour sauver son ami Christophe, des griffes d’une personnalité maffieuse (magistrale Jeanne Moreau), il devra lui livrer Chris Barnes, légendaire roi des nuits de la jet set. A la manière de « La Bostella » l’univers d’Édouard Baer est singulier mêlant mélancolie et décalage, dans un cadre écrasé de soleil. Pour ce film co-écrit avec Fabrice Roger-Lacan, on pense souvent à Luis Buñuel dans la cohérence dans les mises en abîme – Le camp militaire à proximité de l’hôtel rappelle les manoeuvres du « Charme discret de la bourgeoisie » -. La narration est mise en pièce à la manière d’un Bertrand Blier, avec en toile de fond le jeu des apparences… Le mélange de la troupe d’Édouard Baer et d’interprètes d’autres horizons fonctionne parfaitement.

Édouard Baer

La troupe :  l’émission estivale « Le grand plongeoir » présenté sur France 2, a été un bon laboratoire pour découvrir de nouveaux talents, Édouard Baer nous confiait ne pas en être satisfait, il aurait souhaité qu’elle passe en direct : – Nader Boussandel : Baer le présente comme un croisement de Bébel et de la banlieue. C’est le fil rouge de l’histoire, et il est à la hauteur des ses prestigieux interprètes. Pour l’anecdote, Édouard Baer racontait que Jean Rochefort aimait à le déstabiliser, son trouble est d’ailleurs utilisé dans le film. Un talent très prometteur… – Patrick Robine, il est le marin pêcheur, à pilosité variable et livreur de doigts !, lors de cet avant-première il a régalé le public en faisant à froid son numéro d’imitations de la nature – « Je ne fais que les lacs connus… » -. Il s’est également couché à même le sol, se servant d’une veste comme d’une couverture. Un univers singulier. – Gilles Gaston-Dreyfus  est le récitant encombrant d’un film, sentencieux, il semble gêner tout le monde… – Atmen Kélif amène un personnage poétique et lunaire, surgissant de nulle part et lavant tout ce qui est a sa portée. – Le fidèle Francis Van Litsenborgh, joue de la raideur de sa nuque en hôte du « Mektoub », singe Esther Williams et se retrouve même dans le lit de Chris Barnes ! – François Rollin joue l’amoureux transi de Marie Denarnaud, la filmant sans relâche et promenant un spleen désinvolte. – Christophe Meynet, l’habituel compère de Nader Boussandel, joue le bon copain gouailleur de Nader.

Jean Rochefort et Jeanne Moreau (source Gemini Films)

Les autres :

– Jean Rochefort est impérial en amalgame d’Eddie Barclay et de Jean-Marie Rivière. Édouard Baer saluait son souhait de se renouveler et de s’investir dans de nouveaux univers. Il maîtrisait et respectait le texte, même s’il répondait au metteur en scène parfois « Fais pas ton Claudel ! ». Autre anecdote : Toute l’équipe de tournage habitait sur le lieu de l’hôtel, formant une petite communauté. Jean Rochefort se faisait livrer du poisson par un certain Jean Alési (qui est l’homonyme du pilote et figure, au générique final comme l’a fait remarqué un spectateur observateur. Par élégance, Édouard Baer a donné sa chambre à Jeanne Moreau, sans lui dire qu’il manquait de places. Il pensait dormir sur un canapé, mais il a dû finir à l’hôtel pour ne déranger personne. La classe personnifiée… De ce fait, Jean Rochefort a demandé un verrou, en déclarant « Je suis toujours désirable… ». La rencontre inédite Rochefort-Moreau étonne, cette dernière mêle autorité et poésie. – Ne cherchez pas qui peut succéder à Louis de Funès, c’est Josée Dayan actrice. On retrouve Georges Moustaki, capable de créer un lien très fort entre deux personnages sur un forum sur la chanson française… On vous recommande le T-shirt ! – Marie Denarnaud rayonne par son charme et impressionne dans sa scène sur l’ennui avec François Rollin. – Chiara Mastroianni surprend en étant à l’aise dans le loufoque, à l’exemple de sa conversation gênée avec Nader et l’attitude ambiguë avec son Rochefort de père. – Pierre-Louis Lasnier et Léa Drucker détonnent en vacanciers désabusés. – Samir Guesmi est formidable dans l’absurdité jouant entre le factice et le réel. – Benoît Poelvoorde change de registre en mari de Chiara Mastroianni, il a une belle scène parlant du charme d’ Édouard Baer en se plaignant de n’intéresser personne,  et multiplier les fausses sorties. C’est bien une des problèmatiques du film, l’inégalité de l’aura et des talents, entre les gens. Lors du débat après le film, Édouard Baer dissert, fait preuve de brio, l’intelligence fuse. Je fais donc mon intéressant, de manière assez pathétique, en le comparant à Sami Frey (C’est humainement impossible qu’une des femmes que vous aimez ne vous en parle pas), et parle de la diffulté d’être médiocre quand il y a des personnages comme lui. Il répond évidemment brillamment, en vantant l’avantage d’être lui (mais se dévaluant tout de même) et faisant l’éloge de l’aigreur en citant un dialogue du « Bison ». La discussion reprend au hall de l’UGC, il nous parle de l’accueil glacial d’ « À boire », de ses angoisses sur la sortie de « La Bostella ». Brillant, désespérément brillant, je finis par lui parler du fameux article de « Libération » de Paul Vecchiali.. Il me signe sur un calepin avec humour « mon concurrent » malgré ma pitoyable prestation.

Riton Liebman avait raison, Édouard est marrant…

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